Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/277

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Dans le voisinage des îles de Shetland, la mer est extraordinairement abondante en poisson, ce qui fait une grande partie de la subsistance des habitants ; mais, pour tirer parti du produit de la mer, il faut avoir une habitation sur la terre voisine. La rente du propriétaire est en proportion, non de ce que le fermier peut tirer de la terre, mais de ce qu’il peut tirer de la terre et de la mer ensemble. Elle se paye partie en poisson, et ce pays nous offre un de ces exemples, très-peu communs, où la rente constitue une des parties du prix de cette espèce de denrée[1].

La rente de la terre, considérée comme le prix payé pour l’usage de la terre, est donc naturellement un prix de monopole. Il n’est nullement en proportion des améliorations que le propriétaire peut avoir faites sur sa terre, ou de ce qu’il lui suffirait de prendre pour ne pas perdre, mais bien de ce que le fermier peut consentir à donner.

On ne peut porter ordinairement au marché que les parties seulement du produit de la terre dont le prix ordinaire suffit à remplacer le capital qu’il faut employer pour les y porter, et les profits ordinaires de ce capital. Si le prix ordinaire est plus que suffisant, le surplus en ira naturellement à la rente de la terre. S’il n’est juste que suffisant, la marchandise pourra bien être portée au marché, mais elle ne pourra fournir une rente au propriétaire. Le prix sera-t-il ou ne sera-t-il pas plus que suffisant ? C’est ce qui dépend de la demande.

Il y a certaines parties du produit de la terre dont la demande doit toujours être telle, qu’elles rapporteront un prix plus élevé que ce qui suffit pour les faire venir au marché ; il en est d’autres dont la demande peut être alternativement telle, qu’elles rapportent ou ne rapportent pas ce prix plus fort que le prix suffisant. Les premières doivent toujours fournir de quoi payer une rente au propriétaire ; les dernières quelquefois suffiront à l’acquittement d’une rente, et d’autre fois non, suivant la différence des circonstances.

Il faut donc observer que la rente entre dans la composition du prix des marchandises d’une tout autre manière que les salaires et les profits. Le taux élevé ou bas des salaires et des profits est la cause du prix élevé ou bas des marchandises ; le taux élevé ou bas de la rente est l’effet du prix ; le prix d’une marchandise particulière est élevé ou bas, parce qu’il faut, pour la faire venir au marché, payer des salaires

  1. Voyez ci-dessus, chap. vi, p. 103.