Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/332

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Quand, au contraire, la richesse d’un pays augmente, quand le produit annuel de son travail devient successivement de plus en plus considérable, il lui faut nécessairement une plus grande quantité d’argent monnayé pour faire circuler cette plus grande quantité de marchandises ; d’un autre côté, les gens de ce pays achèteront naturellement de la vaisselle d’argent et d’autres ouvrages d’orfèvrerie en quantités de plus en plus fortes, à mesure qu’ils se trouveront en état de faire cette dépense et qu’ils auront à leur disposition plus de marchandises pour la payer. La quantité de leur monnaie augmentera pour cause de nécessité ; celle de leur orfèvrerie pour cause de vanité et d’ostentation, ou pour la même raison qui fera que les belles statues, les tableaux et tous les autres objets de luxe et de curiosité deviendront probablement en plus grand nombre parmi eux. Mais comme il n’est pas vraisemblable que les peintres et les sculpteurs soient plus mal payés dans des temps de richesse et de prospérité que dans des temps de pauvreté et de décadence, de même il n’est pas vraisemblable que l’or et l’argent soient aussi moins bien payés[1].

  1. La valeur des choses est une qualité positive et absolue qui existe en elles, indépendamment de tout échange. Ce qui constitue le prix originaire d’une chose, c’est la quantité de travail fait ou la grandeur des difficultés vaincues pour l’obtenir. Voilà ce qui la rend plus ou moins chère pour celui qui la possède. C’est bien de là qu’elle tient la faculté de pouvoir s’échanger contre tant de blé, tant d’argent, tant de sucre, tant de laine, etc. Mais certainement il n’est pas nécessaire que cette faculté soit exercée, pour qu’on puisse la considérer en elle-même et s’en former une idée. Robinson, dans son île, sans relation avec aucune autre créature de son espèce avec laquelle il pût faire un échange, avait cependant, parmi les meubles de sa cabane, des objets qu’il considérait comme plus chers que les autres, parce qu’ils lui avaient coûté plus de travail ou plus de peine à acquérir. Qu’un voyageur, en parcourant la mer du Sud, ait occasion d’observer deux îles différentes, dont les habitants n’ont entre eux aucune sorte de rapports ; que dans l’une, les naturels du pays vivent uniquement des produits d’une chasse pénible, difficile et fort incertaine, tandis que les autres insulaires cultivent le bananier, le manioc ou quelque autre plante alimentaire qui croît facilement et presque sans travail dans leur sol : ce voyageur s’exprimerait sans doute d’une manière fort exacte, s’il disait que la nourriture est fort chère chez les uns et qu’elle est à très-bon marché chez les autres. Cette manière de mesurer la valeur des choses par la pensée et d’après le travail qu’elles coûtent à celui qui en fait usage, est extrêmement utile pour connaître, dans les transactions du commerce, d’où procède le