Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/35

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par les impôts ; les esclaves qui devaient cultiver nos terres sont aux armées ou sur la flotte, et nos champs restent en friche. Que les consuls vendent donc et nos biens et nos personnes, car aucune autorité ne saurait nous faire donner ce que nous n’avons pas. » C’est dans cette conjoncture si pressante et si critique que le consul Valerius Lævinus invita les sénateurs à donner les premiers l’exemple par une contribution volontaire de tout ce qu’ils possédaient en matière d’or et d’argent et en monnaie de cuivre, sans se réserver autre chose que leur anneau d’or, celui de leurs femmes, la bulle de leurs fils et la quantité de monnaie indispensable pour la dépense de leur maison. Chacun répond à ce noble appel par un assentiment général et par des acclamations unanimes ; la séance est levée spontanément, et les sénateurs se disputent l’honneur d’être les premiers inscrits sur les rôles avec un tel empressement, que les triumvirs et les greffiers ne peuvent suffire à recevoir et à enregistrer les soumissions. (Liv. XXVI, § 35 et 36.)

Il en était de même à Athènes. Démosthènes, en plaidant contre Phormion, rappelle diverses occasions dans lesquelles les frères Chrysippe, qu’il défend, avaient fait à l’État des dons patriotiques, soit en argent, soit en denrées. Le butin que Paul-Émile versa au trésor de la république romaine, après la défaite de Persée, parut suffisant pour satisfaire à l’avenir aux dépenses du Gouvernement, et dès lors tous les tributs furent abolis.

Les dettes publiques, les emprunts de l’État, les moyens de crédit et toutes ces créations de propriétés imaginaires dont la jouissance repose sur les impôts que nos arrière-neveux voudront bien payer un jour, sont des fictions qui étaient totalement inconnues aux anciens, même dans ces temps dégénérés où la subtilité du sophisme prit la place de cette saine et franche philosophie qui réglait leur conduite publique et privée. Ces peuples n’auraient jamais pu comprendre comment un gouvernement peut se constituer débiteur à perpétuité envers ses sujets, et comment ceux-ci comptent pour unique gage de leur créance les tributs qu’ils fourniront eux-mêmes à l’avenir. Cette invention, dont il est fort douteux que les peuples et les gouvernements aient à se féliciter, appartient entièrement à notre moderne Europe.

Ce n’est pas qu’il soit sans exemple que, dans des besoins urgents, les chefs du Gouvernement se soient momentanément aidés de la