Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/363

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blement beaucoup moins cher que l’or, dans le sens ordinaire de ce mot ; cependant, dans un autre sens, il est possible de dire que l’or est de quelque chose moins cher que l’argent, dans l’état actuel où est le marché de l’Espagne. On peut dire d’une marchandise qu’elle est chère ou à bon marché, non-seulement en raison de ce que son prix habituel fait une grosse ou une petite somme, mais aussi en raison de ce que ce prix habituel se trouve plus ou moins au-dessus du prix le plus bas auquel il soit possible de le mettre au marché pendant un certain temps de suite. Ce prix le plus bas est celui qui remplace purement, avec un profit modique, le capital qu’il faut employer pour mettre cette marchandise au marché. Ce prix est celui qui ne fournit rien pour le propriétaire de la terre, celui dans lequel la rente n’entre pas pour une partie constituante, et qui se résout tout entier en salaires et en profits. Or, dans l’état actuel du marché de l’Espagne, l’or est certainement un peu plus rapproché de ce prix le plus bas que ne l’est l’argent. La taxe du roi d’Espagne sur l’or n’est que d’un vingtième du métal au titre, ou de 5 pour 100, tandis que la taxe sur l’argent s’élève à un dixième du métal, ou à 10 pour 100. De plus, comme nous l’avons déjà observé, c’est dans ces taxes que consiste toute la rente de la plupart des mines d’or et d’argent de l’Amérique espagnole, et celle sur l’or est toujours beaucoup plus mal payée que celle sur l’argent. Il faut bien aussi que les profits des entrepreneurs des mines d’or soient, en général, encore plus modiques que ceux des entrepreneurs des mines d’argent, puisqu’il est plus rare que les premiers fassent fortune[1]. Ainsi, puisque l’or d’Espagne fournit et moins de rente, et moins de profit, il faut donc que son prix, dans le marché de l’Espagne, soit un peu plus rapproché que celui de l’argent d’Espagne, du prix le plus bas auquel on puisse le mettre à ce marché. Si l’on déduisait toutes les dépenses, la masse totale du premier de ces métaux ne trouverait pas, à ce qu’il semble, dans le marché d’Espagne, un débit aussi avantageux que la masse totale de l’autre. Il est vrai que la taxe du roi de Portugal sur l’or du Brésil est la même que la taxe ancienne du roi d’Espagne sur l’argent du Mexique et du Pérou, c’est-à-dire un cinquième du métal, au titre. Il est donc douteux de savoir si, sur le marché général de l’Europe, la totalité de l’or d’Amérique revient à un prix plus voisin du prix le plus bas auquel il soit possible de l’y amener, que n’y revient la totalité de l’argent d’Amérique.

  1. Ce n’est pas le seul motif.