Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/41

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toir et à y calculer avec empressement la quantité d’argent comptant ou de bonnes créances que leur a produits la vente journalière de leurs marchandises, n’évaluent leurs profits que sur ce résultat, en quoi ils raisonnent juste. Bien certains que cette méthode ne les a jamais trompés, ils ont dû penser que les affaires de leur nation ne pouvaient pas suivre une autre marche, et ils se sont affermis dans leur idée avec cette imperturbable confiance qu’inspire une longue expérience dont on s’est parfaitement bien trouvé pour son propre compte, et qui ne s’est jamais démentie. De là cette opinion exagérée sur les avantages et les profits du commerce étranger et sur l’augmentation de la masse de numéraire dans le pays, et sur le danger de le laisser s’écouler au dehors ; de là ces calculs absurdes qui ont fait de ce qu’on appelle la balance du commerce le thermomètre de la prospérité publique ; de là tous ces systèmes prohibitifs et réglementaires, ces monopoles oppressifs imaginés pour grossir de plus en plus l’un des côtés de cette balance ; de là enfin, ce qui est bien plus déplorable, ces guerres sanglantes et destructives qui ont embrasé les deux hémisphères depuis l’époque où la route des Indes et celle du Nouveau-Monde sont devenues familières aux nations européennes.

Quand on observe que, depuis plus de deux siècles, tant de flots de sang versé dans les différentes parties du globe n’ont eu pour principal motif que le maintien de quelques monopoles contraires même aux véritables intérêts de la nation armée pour les défendre, on sent toute l’importance du service qu’a voulu rendre à l’humanité l’illustre auteur de la Richesse des nations, quand il a écrit pour combattre victorieusement des préjugés aussi puissants et aussi funestes. C’était au milieu du peuple le plus profondément imbu de ces idées mercantiles, le plus fortement subjugué par leur police réglementaire, que Smith sapait d’une main si ferme les fondements de ce système absurde et tyrannique ; c’était au moment même où l’Angleterre alarmée ne voyait qu’avec effroi la possibilité d’une séparation avec ses colonies américaines ; c’était alors que le philosophe écossais se riait de ces vaines terreurs, prédisait hautement le succès de la cause des colons et leur prochaine indépendance ; c’était alors qu’il annonçait avec confiance ce que les événements postérieurs ont pleinement confirmé, les conséquences heureuses qu’auraient pour