Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/531

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

trement à mesure que les capitaux se multiplient, la quantité de fonds à prêter à intérêt devient successivement de plus en plus grande. À mesure que la quantité des fonds à prêter à intérêt vient à augmenter, l’intérêt ou le prix qu’il faut payer pour l’usage du capital va nécessairement en diminuant, non-seulement en vertu de ces causes générales qui font que le prix de marché de toutes choses diminue à mesure que la quantité de ces choses augmente, mais encore en vertu d’autres causes particulières à ce cas-ci. À mesure que les capitaux se multiplient dans un pays, le profit qu’on peut faire en les employant diminue nécessairement ; il devient successivement de plus en plus difficile de trouver dans ce pays une manière profitable d’employer un nouveau capital. En conséquence, il s’élève une concurrence entre les différents capitaux, le possesseur d’un capital faisant tous ses efforts pour s’emparer de l’emploi qui se trouve occupé par un autre. Mais le plus souvent, il ne peut espérer d’obtenir l’emploi de cet autre capital, à moins d’offrir à de meilleures conditions. Il se trouve obligé, non-seulement de vendre la chose sur laquelle il commerce un peu meilleur marché, mais encore, pour trouver occasion de la vendre, il est quelquefois aussi obligé de l’acheter plus cher. Le fonds destiné à l’entretien du travail productif grossissant de jour en jour, la demande qu’on fait de ce travail devient[1] aussi de jour en jour plus grande ; les ouvriers trouvent aisément de l’emploi, mais les possesseurs de capitaux ont de la difficulté à trouver des ouvriers à employer. La concurrence des capitalistes fait hausser les salaires du travail et fait baisser les profits. Or, lorsque le bénéfice qu’on peut retirer de l’usage d’un capital se trouve, pour ainsi dire, rogné à la fois par les deux bouts, il faut bien nécessairement que le prix qu’on peut payer pour l’usage de ce capital diminue en même temps que ce bénéfice.

  1. On peut regarder le prix de l’intérêt comme une espèce de niveau au-dessous duquel tout travail, toute culture, toute industrie, tout commerce cessent. C’est comme une mer répandue sur une vaste contrée : les sommets des montagnes s’élèvent au-dessus des eaux et forment des îles fertiles et cultivées. Si cette mer vient à s’écouler, à mesure qu’elle descend, les terrains en pente, puis les plaines et les vallons paraissent et se couvrent de productions de toute espèce. Il suffit que l’eau monte ou s’abaisse d’un pied pour inonder ou pour rendre à la culture des plages immenses. C’est l’abondance des capitaux qui anime toutes les entreprises, et le bas intérêt de l’argent est tout à la fois l’effet et l’indice de l’abondance des capitaux. Turgot.