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Page:Société agricole et scientifique de la Haute-Loire - Mémoires et procès-verbaux, 1881-1882, Tome 3.djvu/152

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variétés historiques et biographiques

cinthes du Puy et d’Auvergue, aux droguistes et aux apothicaires[1]. Ceux-ci après les avoir broyées sur le porphyre, pour les réduire en poudre impalpable, en composaient un électuaire fort recherché sous le nom de confection d’hyacinthe, parce que le grenat en était la base et qu’il en avait la couleur. C’était un mélange, comme l’on en trouve tant dans les vieilles pharmacopées et où il entrait de tout un peu. Voici la liste des autres substances employées pour sa préparation : corail rouge, bol d’Arménie, terre sigillée, semence de citron, d’oseille, de pourprier, racines de dictame, tous les sautaux, myrrhe, grains de kermès, roses rouges, safran, râpures, os du cœur du cerf, corne de cerf brûlée, saphir, topaze, émeraude, perles fines, soie crue, feuilles d’or et d’argent, camphre, musc et ambre gris. La liste est longue et encore ne sommes-nous pas certain de n’avoir pas oublié quelque chose d’essentiel, tant l’imagination des apothicaires de ce bon vieux temps était fertile.

Cette préparation était souveraine pour les yeux, les fièvres et les contusions. Elle fortifiait le cœur, résistait au venin, excitait la joie, apaisait le mouvement convulsif, guérissait enfin une infinité de maux. Léméry, qui nous apprend tout cela, remarque fort doctement que toute la vertu de cet électuaire consiste en ce qu’étant alcaline elle adoucit et amortit les acides du corps[2]. Il aurait pu ajouter qu’une drogue plus simple et moins coûteuse aurait produit le même résultat ; mais Léméry, tout membre de l’Académie des sciences qu’il était, ne voulait pas se brouiller avec les apothicaires de son temps, gens irascibles et à la langue bien pendue. Au reste, il n’aurait converti personne. Ce fumeux électuaire, par son prix élevé, faisait bien mieux l’affaire de tous ceux qui pouvaient le payer ; mais son règne était sur le point de finir.

Le profit, que l’on pouvait tirer des pierres qui servaient à cette préparation, engageait les habitants d’Espaly à les recher-

  1. Savary, Dictionnaire de commerce, vo Hyacinthe, jargon.
  2. Traité des drogues simples, 2e édit. Paris, 1714, in-4o, pag. 415, la 1re édition avait paru en 1691.