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Page:Société de l’enseignement supérieur - Revue internationale de l’enseignement, volume 37, juin 1899.djvu/106

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REVUE INTERNATIONALE DE L’ENSEIGNEMENT

qu’il s’adresse à une élite peut aller plus vite dans son enseignement. Il n’en est pas de même dans une Université. Y entre qui veut, pourvu qu’il ait fait des études secondaires, qu’il ait prouvé par le diplôme de Bachelier sa capacité à suivre les cours d’Enseignement supérieur. La sélection se fait plus tard par le fait d’examens successifs ou par suite des difficultés progressives de la science, qui éloigne peu à peu les élèves incapables ou non travailleurs. Néanmoins le professeur doit graduer son enseignement d’après la facilité qu’ont les élèves à le suivre.

Si le mode de recrutement des Ecoles est avantageux pour elles, il a des inconvénients au point de vue général de l’éducation.

Le concours n’est autre chose que l’exagération du système d’émulation qui fait la base de nos enseignements primaire et secondaire : Au lieu d’inspirer aux enfants l’amour du travail pour lui-même, l’amour des lettres ou des sciences pour les satisfactions qu’elles procurent, on ne leur fait voir qu’un but : surpasser les camarades. Les Jésuites avaient jugé, avec leur parfaite connaissance de l’âme humaine, que la vanité, si naturelle à tous, plus peut être encore à l’enfant, pouvait devenir le stimulant le plus puissant du travail. Ils avaient multiplié les compositions, les concours, les prix, les croix, les distinctions de toute nature. L’Université a hérité de leurs habitudes scolaires et sous ce rapport le disciple a peut-être dépassé le maître.

Les concours pour les Écoles donnent un aliment plus puissant encore à cette culture de l’orgueil au moment où l’adolescent commence à entrer dans la vie et où se forme son caractère.

Il est inutile de remarquer que les parents sont les premiers à courir à ces appels de la vanité. Quand leur petit bonhomme de six ans fait une addition sans faute, ils rêvent pour lui le brillant uniforme de l’École Polytechnique, moins peut-être pour l’avenir qui lui serait réservé, que par l’ambition de le voir, en vertu du concours, classé dans l’élite intellectuelle de la jeunesse.

Les concours ont aussi un résultat moral regrettable en inspirant à plusieurs de ceux qui y ont réussi un sentiment d’orgueil tout spécial. Ils sont portés à se croire d’une intelligence supérieure à leurs concitoyens. Ce travers d’esprit ne leur est pas absolument propre. On le retrouve chez certains hommes, qui doivent à des qualités naturelles de briller dans l’art, dans la poésie et même dans les mathématiques. Heureusement, c’est un travers qui disparaît assez rapidement chez les personnes de bon sens ; en se rencontrant dans la vie avec des hommes arrivés sans avoir passé par la voie des concours, ils finissent par reconnaître que ceux-ci peuvent néanmoins posséder une véritable valeur intellectuelle.