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REVUE INTERNATIONALE DE L’ENSEIGNEMENT

amène peu à peu à découvrir la traduction exacte. Il est très intéressant de voir comment une même phrase allemande peut être traduite en français par des élèves de nationalités diverses, et cet exercice leur donne assez rapidement le sentiment vrai des finesses de notre langue. De même le cours de diction (M. Thudichum) n’est pas un cours de déclamation ; on y apprend d’abord à prononcer exactement nos voyelles et nos groupes de lettres ; l’oreille s’y fait aux sons de la langue française, et le professeur rectifie les prononciations vicieuses propres à chaque nationalité. Ce cours est complété par une section de chant : complément excellent, car les étrangers arrivent souvent à reproduire correctement les sons du français en chantant avant de pouvoir le faire en parlant. — Le cours d’improvisation comporte de courtes conférences faites par les élèves ; c’est ainsi que j’ai entendu un professeur de gymnase allemand[1] parler une demi-heure sur le Misanthrope. Il s’exprimait avec une réelle facilité et, à part certaines vulgarités : « C’est ça que fit Molière… », certaines lourdeurs : « Les farces, dont nous sont restés deux exemples… », et quelque inaptitude à manier le subjonctif, on aurait à peine cru avoir affaire à un étranger. Les idées avaient été évidemment moissonnées dans la littérature du sujet, mais elles étaient bien choisies. Bien qu’il eût écrit son exposé, il faisait effort pour ne pas lire, et parlait avec une remarquable vigueur de ton. La discussion s’ouvrit ensuite, en français, elle s’éleva immédiatement, suivant la tendance allemande, aux idées les plus générales, et porta sur le sens des mots : « système dramatique de Molière ». Mais, ce qui était particulièrement intéressant pour moi, c’était la vie intense de la conférence, l’hilarité parfois bruyante, les yeux braqués sur le professeur, l’extraordinaire puissance d’attention de cet auditoire hétéroclite.

C’est cette participation active aux travaux des conférences que les étrangers considèrent comme la supériorité incontestable des cours de Genève. On y arrive par la division des auditeurs en sections de 40 à 60 personnes. On ne réunit les 220 membres dans l’aula que pour les cours communs (littérature et leçons extraordinaires).

Cette tendance pratique est si forte que le cours sur les méthodes d’enseignement du français va être supprimé, uniquement parce que les professeurs allemands déclarent être désormais au courant de ces questions. Par contre on regrette généralement qu’il n’y ait pas à Genève, comme à Paris, un cours sur les institutions de la France et un cours d’histoire de l’art.

  1. Je dois dire que le hasard m’avait bien servi : c’était un des meilleurs élèves du cours de M. Bouvier.