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Page:Société de l’enseignement supérieur - Revue internationale de l’enseignement, volume 37, juin 1899.djvu/242

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REVUE INTERNATIONALE DE L’ENSEIGNEMENT

qu’ils fonctionnent depuis longtemps parmi nous, ce prestige ne sera ni moins grand ni moins justifié, peut-être même sera-t-il moins souvent discuté.

Pourquoi du reste, priver la jeunesse de nos écoles de ce spectacle si fortifiant, si passionnant parfois, toujours si instructif, et si bien fait pour développer chez elle, avec un réel sentiment d’admiration et de respect pour ceux qui nous le donnent l’espoir et le désir de marcher un jour sur leurs traces ? Quand cette jeunesse aura été le témoin de ces luttes difficiles entre toutes, dans lesquelles il ne s’agit pas seulement de savoir, mais surtout de savoir mieux que les autres, quand elle se sera rendu compte de la somme d’intelligence et d’efforts qu’il faut déployer pour en sortir vainqueur, son amour pour le travail sera certainement accru, de légitimes ambitions s’éveilleront, et le prestige de l’heureux triomphateur qu’elle aura vu à l’œuvre, qu’elle aura suivi dans ses épreuves, jugé elle aussi, grandira peut-être ; à coup sûr il ne sera pas amoindri, et ajoutons bien vite qu’il l’aura payé moins cher.

On oublie trop aujourd’hui le reproche si grave et si juste, quoi qu’on en ait dit, adressé de tout temps à la centralisation du concours, à propos des sacrifices et des dépenses qu’entraînent, pour les professeurs et pour les candidats, ces séjours prolongés à Paris ; — avec le nombre toujours croissant des candidats, il acquiert un regain de force et d’actualité.

Votre Commission a cru devoir vous rappeler ces lourdes charges qui ne sont pas toujours à la portée de tous. Pour les uns, c’est une question de fortune, pour les autres une question de famille ou de situation qu’on redoute de compromettre, et c’est ainsi que souvent l’obligation de s’y soumettre, si l’on veut concourir, ou faire partie d’un jury, peut arrêter les plus dignes et les plus méritants.

Ce qu’on ne sait pas assez également, c’est le préjudice considérable que ces longues absences causent aux différents services de la Faculté. Ce préjudice, on n’en parle pas assez, ou tout au moins on feint de l’ignorer, et cependant il n’est peut-être pas un chef de service qui n’ait été obligé de se priver pendant des mois, parfois pendant un semestre, de ses auxiliaires les plus indispensables, chefs de laboratoire, chefs de clinique et autres, quand ce n’est pas de tous à la fois. C’est là, ne l’oublions pas, une des objections les plus sérieuses à adresser à la centralisation des concours.

Il suffit d’en avoir subi les conséquences une fois, pour comprendre l’influence désorganisatrice qu’elles peuvent avoir sur le fonctionnement régulier de notre enseignement.

Ce qui ajoute encore à la portée de cette objection, c’est qu’avant ce séjour obligatoire à Paris, les candidats qui ne peuvent avoir d’autre objectif que le concours se désintéressent volontiers des services auxquels ils sont attachés. Ce qu’ils recherchent avant tout, c’est de se faire, par des travaux personnels et hâtifs, un bagage scientifique suffisant pour impressionner un jury qui, sans tenir aucun compte des services qu’ils ont pu rendre, ne peut les juger en dehors des épreuves de concours que sur un exposé de titres et de travaux.

Votre commission, Messieurs, a pensé qu’il était important d’appeler tout particulièrement votre attention et celle de M. le Ministre sur cet ordre d’idées.