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Page:Société de l’enseignement supérieur - Revue internationale de l’enseignement, volume 37, juin 1899.djvu/45

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LES RÉPUBLICAINS ET L’ENSEIGNEMENT 1830-1848

Chevalier demanda une part plus grande pour les connaissances pratiques à l’École polytechnique, ils répondirent que c’était la culture désintéressée de la science qui donnait à un pays les meilleurs ingénieurs et les meilleurs chimistes Plus tard ils reprochèrent à Salvandy de vouloir créer dans les collèges, à côté des études gréco-latines, un enseignement parallèle des sciences exactes et des langues vivantes, ce qu’on appellerait aujourd’hui l’enseignement moderne[1].

À propos de la liberté d’enseignement il se forma deux partis parmi les républicains. Les uns, favorables à toute liberté nouvelle, déclarèrent que celle-ci devait être accordée au plus vite ; les autres, les plus nombreux, se préoccupèrent de maintenir les droits de l’État, de la république une et indivisible. Ainsi Dupont, dans l’introduction de la Revue républicaine, disait : « Nous ne voulons pas que la prétendue liberté d’enseignement ne soit, par ses résultats futurs, que l’enseignement de haines politiques, d’inimitiés sociales. Le beau système d’éducation que celui qui prépare, dans le sein des collèges ou des écoles, une génération d’hommes destinés à la guerre civile ! » Au contraire, le National, le Journal du Peuple réclamaient la liberté[2]. Bientôt le National, sans abandonner le principe, en ajourna l’application. Sous cette formule sonore, dit-il, que trouvons-nous en réalité ? La création d’un monopole clérical à côté du monopole universitaire ; les individus isolés, au lieu d’y gagner, seront étouffés entre ces deux grandes organisations. Ceux qui demandent la liberté comme en Belgique savent que dans ce pays le clergé domine l’école ; ceux qui invoquent le droit du père de famille ne sont pas dupes des mats : « Vous voyez bien que ceux qui font retentir le mot de liberté n’en veulent point, et savent bien qu’il n’y en aura que pour eux ; vous voyez bien que leur seul espoir est de se constituer en face de l’État, et que tout ce bruit contre le monopole, c’est uniquement pour qu’il y en ait deux ». Or le clergé regarde de plus en plus vers Rome, l’ultramontanisme y fait chaque jour des progrès ; n’est-il pas dangereux de livrer l’éducation française à un corps dépendant d’un souverain étranger[3] ?

Ce n’est pas que le grand journal républicain repousse définitivement et par principe un régime de liberté ; mais avant d’y consentir, l’État doit organiser d’une façon complète son enseignement à lui, On ne parle que de la liberté d’enseigner ; on oublie la

  1. National, 5 octobre 18#5 : 17 avril 1847. Le journal affirme qu’un essai de ce genre, tenté à Mulhouse, a donné les plus mauvais résultats.
  2. National, 9 août 1836 ; Journal du Peuple, livraison de mai 1836.
  3. 23 avril 1844, 31 janvier 1846.