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Page:Sophocle (tradcution Masqueray), Tome 2.djvu/106

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entrepris bien d’autres travaux et personne n’a élevé de trophée pour avoir triomphé de ma vigueur. Mais aujourd’hui, vous le voyez, les membres rompus, le corps en lambeaux, je suis ravagé, hélas ! par un mal aveugle, moi qui suis né de la plus noble mère, moi que l’on nomme le fils de Zeus, maître du ciel étoilé. Pourtant, soyez certains d’une chose, quoique je sois anéanti et ne puisse faire un pas, celle qui m’a ainsi traité, je la dompterai, même en l’état où je suis. Qu’elle vienne, qu’elle approche seulement ! je lui apprendrai à proclamer devant tous que dans la mort comme dans la vie, j’ai châtié les criminels.

Le Coryphée. — O malheureuse Hellade ! Quel deuil je prévois pour elle, si elle perd ce héros !

Hyllos. — Puisque tu me permets de te répondre, mon père, écoute-moi en silence, malgré tes tortures : je ne te demanderai que ce qu’il est juste que j’obtienne. Aie confiance en moi, mais tempère la colère qui te mord le cœur. Autrement tu ne comprendrais pas que la joie que tu te promets est aussi vaine que le ressentiment dont tu souffres.

Héraclès. — Abrège : je souffre et ne comprends rien à toutes tes énigmes.

Hyllos. — Je viens te parler de ma mère, de son sort présent, de sa faute involontaire.

Héraclès. — Misérable ! tu oses me rappeler encore aux oreilles ta mère, la meurtrière de ton père !

Hyllos. — Après ce qui s’est passé, il ne convient pas de se taire.

Héraclès. — Oh ! non, certes, je suis de ton avis, après le crime qu’elle vient de commettre.

Hyllos. — Au moins, il ne s’agit pas de cela aujourd’hui, tu en conviendras.

Héraclès. — Explique-toi, mais garde-toi de paraître un fils dénaturé.

Hyllos. — Je m’explique : elle n’est plus, elle vient de succomber.