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Page:Sophocle (tradcution Masqueray), Tome 2.djvu/110

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fixer son séjour à Tirynthe[1], sur le bord de la mer ; tes enfants, les uns, elle les a pris avec elle et les élève, les autres, sache-le, habitent la cité de Thèbes. Nous qui sommes près de toi, s’il faut agir, mon père, nous t’obéirons et te servirons.

Héraclès. — Apprends donc ce que tu as à faire : voici le moment pour toi de montrer si tu es vraiment mon fils. Un oracle de mon père m’a prédit jadis qu’aucun des êtres qui respirent ne me tuerait, mais que ce serait un mort, un habitant de l’Hadès. Ce Centaure donc, comme le marquait l’oracle divin, quand j’étais en pleine vie, il m’a tué, bien qu’il fût mort. Je vais te révéler de nouveaux oracles, qui se réalisent comme les anciens et concordent avec eux. J’étais entré dans le bois sacré des Selles, qui habitent les montagnes et couchent sur la terre nue ; j’y inscrivis ce que me dit, avec la multitude de ses voix, le chêne consacré à mon père. Il déclarait qu’au temps actuel, au temps présent, viendrait la fin des souffrances qui m’accablent. J’espérais des jours heureux, mais cela ne signifiait pas autre chose pour moi que la mort, car pour les morts il n’y a plus de souffrance[2]. Puisque donc cette prédiction se réalise clairement, mon fils, il faut que tu me prêtes ton concours sans par des délais m’exciter à de vives paroles. Au contraire, docile, aide-moi, et comprends que la plus belle des lois est d’obéir à son père.

Hyllos. — Eh bien, mon père, bien que j’appréhende l’issue où notre entretien m’a conduit, cependant je t’obéirai comme il te plaît.

Héraclès. — Tout d’abord donne-moi ta main droite.

  1. Ceci n’est qu’un prétexte pour ne pas introduire Alcmène sur la scène, puisque les trois acteurs, Héraclès, Hyllos, le Vieillard, y sont déjà. — Sur le séjour d’Alcmène à Tirynthe cf. Diodore IV, 33 sq.
  2. Ainsi Héraclès mentionne ici deux oracles : le second, qui nous est connu, remonte à plus de douze années. (Cf. p. 47, note.) H fixait le temps que dureraient les épreuves d’Héraclès. L’autre, qui était plus ancien (cf. 1159, 1164 sqq.) et dont il n’a pas encore été question, annonçait de quelle manière le héros trouverait la mort. Cette mort est imminente, puisque les deux oracles concordent.