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Page:Sophocle (tradcution Masqueray), Tome 2.djvu/174

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Néoptolème. — Prends garde de te montrer maintenant plein de complaisance, et quand tu seras accablé par le voisinage de son mal, de renier alors toi-même ce que tu dis.

Le Coryphée. — Non : il est impossible que tu aies jamais à m’adresser pareil reproche.

Néoptolème. — Eh bien, il serait honteux que je parusse inférieur à toi pour porter à l’étranger un secours opportun ; allons, puisque tel est ton avis, mettons à la voile ; qu’il s’embarque vite ; le vaisseau l’emmènera et il ne subira pas de refus. Puissent seulement les dieux nous accorder un heureux départ de cette terre et nous conduire où nous voulons aller !

Philoctète. — O jour bien-aimé ! ô le plus obligeant des hommes ! chers matelots ! Comment vous montrerais-je par des actes l’amitié que j’ai pour vous ? Entrons, mon enfant, après l’avoir saluée, à l’intérieur de ma demeure, si elle mérite ce nom : tu verras de quoi je vivais et quel fut mon courage. Personne autre que moi, je pense, ne pourrait supporter la vue seule de ces maux, et moi, la nécessité m’a appris à m’y résigner.

Néoptolème se dispose à suivre Philoctète dans sa caverne, quand on voit arriver deux étrangers, un marchand[1] et un marin.

Le Coryphée. — Arrêtez-vous. Apprenons ce qu’on va nous dire. Deux hommes, un matelot de ton navire, l’autre, un étranger, s’approchent. Vous n’entrerez qu’après les avoir entendus.

Le Marchand. — Fils d’Achille, cet homme qui t’a accompagné et qui gardait ton navire avec deux autres, je lui ai donné l’ordre de me dire où tu te trouvais, puisque je l’ai rencontré, contre mon attente, pour avoir mouillé par hasard au même endroit que toi. Je faisais voile, comme

  1. Son arrivée est annoncée depuis longtemps. Cf. 126 sqq.