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Page:Sophocle (tradcution Masqueray), Tome 2.djvu/188

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stagnante, si ses yeux en découvraient quelque part, qu’il se traînait chaque jour.

Et maintenant délivré de ces maux, il finira par être heureux et grand, pour avoir rencontré le fils de gens généreux qui sur sa nef, au travers des flots, après de si longs mois, le conduit vers la demeure paternelle, séjour des nymphes Maliennes, et le long des rives du Sperchéios, où le héros armé du bouclier d’airain apparut dans V assemblée des dieux, tout éclatant du feu divin, au-dessus des sommets de l’Œta.

Néoptolème et Philoctète sortent de la caverne[1] ; ce dernier marche avec beaucoup de peine.

Néoptolème. — Avance, veux-tu ? Pourquoi te taire ainsi sans raison ? Pourquoi cette stupeur ?

Philoctète. — Ah ! ah !

Néoptolème. — Qu’y a-t-il ?

Philoctète. — Rien de grave : marche, mon enfant.

NÉOPTOLÈME. — Souffres-tu d’un accès de ton mal ?

Philoctète. — Non, au contraire, il me semble que je vais mieux. — O dieux !

Néoptolème. — Pourquoi invoques-tu les dieux, en soupirant si fort ?

Philoctète. — Pour qu’ils viennent nous sauver et qu’ils soient cléments pour nous. — Ah !

Néoptolème. — Qu’éprouves-tu donc ? Tu ne parleras pas et resteras ainsi silencieux ? Tu parais souffrir.

Philoctète. — Je suis perdu, mon fils, et je ne pourrai plus vous dissimuler mon mal. Ah ! il me perce, il me


    est composé de marins, il a la sensibilité des gens du peuple, c’est-à-dire qu’il prête une attention plus grande aux privations corporelles qu’aux douleurs morales. Et la multitude des spectateurs compatissait plus aisément aux premières qu’aux secondes.

  1. Il est à croire que cette entrée en scène des deux personnages avait lieu pendant le chant de la seconde antistrophe : d’où le langage du chœur, qui feint de croire au retour de Philoctète en son pays.