Philoctète. — (Il n’a plus la force de se faire comprendre.) Laisse, laisse-moi.
Néoptolème. — Où faut-il te laisser ?
Philoctète. — Laisse-moi enfin.
Néoptolème. — Je ne te quitterai point.
Philoctète. — Tu me tueras, si tu me touches.
Néoptolème. — Eh bien, je te laisse, puisque te voilà un peu plus calme.
Philoctète. — (Il tombe sur le sol.) O terre, reçois-moi vite, je vais mourir : mon mal ne me permet plus de me tenir debout.
Néoptolème. — (A mi-voix, aux choreutes.) Le sommeil va, je crois, s’emparer de lui avant peu : voilà sa tête qui se renverse, la sueur inonde tout son corps, une veine noire a crevé au bout de son pied et le sang coule à flots. Laissons-le tranquille, mes amis, pour qu’il dorme profondément.
Le Chœur[1]. — Sommeil, qui ignores la souffrance, Sommeil, et les douleurs, puisses-tu venir pour nous avec ta douce haleine, charme, charme de la vie, dieu puissant, et sur son visage puisses-tu conserver cette sérénité qui y est maintenant étendue. Viens, viens à notre aide, toi qui guéris tous les maux. — (A voix basse.) Mon fils, examine où ta t’arrêteras. Jusqu’où tu iras, quel parti maintenant tu vas prendre. Tu vois où nous en sommes. Qu’allons-nous attendre pour agir ? L’occasion qui décide de tout procure immédiatement grand succès.
Néoptolème. — (Il parle avec l’autorité d’un oracle.) Sans doute, il n’entend rien, mais je vois que nous nous
- ↑ La strophe et l’antistrophe initiales de ce βαυκάλημα (sorte de berceuse, cf. Eurip. Oreste, 174 sqq.) sont divisées en deux moitiés symétriques que chantent tour à tour les ἡμιχόρια ou ceux qui les dirigent, les παραστάται.