emparons inutilement de son arc, si nous nous embarquons sans lui. C’est à lui que la couronne est réservée, c’est lui que le dieu a dit d’emmener. Quelle honte de se glorifier d’une entreprise que nous laissons, malgré tous nos mensonges, inachevée[1] !
Le Chœur. — Le dieu y pourvoira mon fils, mais dans les réponses que tu échangeras avec moi, ne fais entendre qu’un faible, oui, qu’un faible bruit de paroles, car de tous ceux qui souffrent, le sommeil, si on peut l’appeler ainsi, a toujours pour y voir des yeux grands ouverts. — (A voix basse.) Réfléchis aussi profondément que tu le peux, en silence, comment tu vas t'y prendre : tu sais bien de quoi je parle. Si tu as cette pensée à son égard, les gens avisés ne peuvent à coup sûr que prévoir des maux inextricables.
Favorable est le vent[2], mon enfant, oui, favorable : il a les yeux fermés, il est sans défense, il est étendu dans une obscurité pareille à la nuit ; — le sommeil aux heures chaudes est profond ; — il n’est pas maître de sa main, de son pied, d aucun membre ; il y voit comme qui est couché dans l'Hadès. Examine si ton ordre est opportun : voici comme je comprends les choses, mon enfant : l’entreprise qui ne fait naître aucune inquiétude est préférable aux autres.
- ↑ La réponse de Néoptolème contraste avec les strophes qui l’entourent. Le jeune homme parle avec assurance : l’arc qu’il a dans les mains ne suffit point, il faut embarquer Philoctète. Telles sont les déclarations du devin Hélénos. (Cf. v. 1335.) Et, en les rappelant, Néoptolème se sert du mètre des oracles.
- ↑ Il est censé venir du S.-O. Ils auront donc vent arrière pour aller à Troie. Cf. p. 103, note.