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Page:Sophocle (tradcution Masqueray), Tome 2.djvu/206

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d’une fumée, une vaine image. C’est qu’en effet il ne m’aurait pas capturé dans ma vigueur, puisque même dans l’état où je suis, il n’a pu y parvenir que par la ruse. Et maintenant la trahison a eu raison de moi, malheureux. Que faut-il que je fasse ? Ah ! rends-moi mon arc. Il en est temps encore, redeviens l’être que tu étais. Que dis-tu ? Tu gardes le silence. C’en est fait de moi, infortuné. O rocher, debout avec ta double ouverture, c’est donc encore une fois que je reviens vers toi, dépouillé de ce que j’avais, sans moyens de subsistance ; je me consumerai dans ton antre, tout seul ; mes flèches ne tueront plus d’oiseaux ailés, de bêtes montagnardes ; ce sera moi, malheureux, dont le cadavre servira de proie à ceux qui m’ont nourri ; je les chassais auparavant, ils me chasseront maintenant : ma mort paiera leur mort et ce sera l’œuvre de celui qui paraissait ne connaître aucun mal. Puisses-tu périr ! — Non pas pourtant avant que je sache si tu ne changeras pas de résolution ; sinon meurs, misérablement !

Le Coryphée.(A Néoptolème). Qu’allons-nous faire ? C’est à toi de décider, roi, s’il faut partir ou céder aux prières de cet homme.

Néoptolème. — J’ai une grande compassion de lui, et ce n’est pas à l’instant qu’elle s’est emparée de moi, c’est depuis longtemps.

Philoctète. — Aie pitié de moi, mon enfant, au nom des dieux, ne te couvre pas de honte aux yeux des hommes, pour m’avoir trompé.

Néoptolème. — Ah ! que ferai-je ? Plût aux dieux que je n’eusse jamais quitté Scyros, tant je suis accablé par tout ce que j’ai sous les yeux !

Philoctète. — Tu n’es pas méchant, toi ; ce sont, sans doute des méchants qui t’ont donné de honteux conseils, et qui t’ont envoyé ici. Laisse-les, ces conseils, à ceux auxquels ils conviennent, et mets à la voile, après m’avoir rendu mes armes.

Néoptolème. — Que résoudre, mes amis ?