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Page:Sophocle (tradcution Masqueray), Tome 2.djvu/208

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Entre brusquement Ulysse.

Ulysse.(A Néoptolème.) Misérable, que fais-tu[1] ? Donne-moi cet arc et retire-toi.

Philoctète. — Ah ! quel est cet homme ? N’est-ce pas Ulysse que j’entends ?

Ulysse. — C’est Ulysse, n’en doute pas, c’est moi que tu as devant les yeux.

Philoctète. — Ah ! je suis trahi, je suis perdu. C’est donc lui qui m’a pris, qui m’a ravi mes armes.

Ulysse. — C’est moi, sache-le bien, pas un autre : j’en conviens.

Philoctète.(A Néoptolème.) Rends-moi, donne-moi mon arc, mon enfant.

Ulysse. — Cela, quand bien même il y consentirait, il ne le fera pas, et toi, il faut que tu partes avec ces armes, où bien ils t’enlèveront par force.

Philoctète. — Moi, le plus scélérat, le plus impudent des hommes, ces gens-ci, par force, ils m’emmèneront ?

Ulysse. — A moins que tu ne viennes de bon gré.

Philoctète. — Terre de Lemnos, feu tout-puissant, œuvre d’Héphaistos, est-il tolérable que cet homme m’emmène par violence de ton territoire ?

Ulysse. — C’est Zeus, oui, lui-même, Zeus qui est maître de ce pays, Zeus qui l’a résolu : j’exécute son ordre.

Philoctète. — Être odieux, quelles inventions tu allègues ! En prétextant l’ordre des dieux, tu rends les dieux menteurs.

Ulysse. — Non, mais véridiques. Et il faut que tu partes.

Philoctète. — Je ne partirai pas.

Ulysse. — Tu partiras. Il faut obéir.

Philoctète. — Que je suis malheureux ! Ainsi donc, cela est clair, mon père en me donnant la vie, a fait de moi un esclave et non un être libre !

  1. Il termine, en entrant en scène, le vers inachevé de Néoptolème : ainsi est marquée, par la coupe même du trimètre, la soudaineté de