Aller au contenu

Page:Sophocle (tradcution Masqueray), Tome 2.djvu/288

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’Athènes est la plus religieuse des cités, que seule elle est capable de sauver l’hôte dans l’infortune, seule capable de le secourir[1] ! Et pour moi qu’en résulte-t-il, puisque vous m’arrachez de ce siège, pour me chasser, par crainte de mon nom seul ? Ce n’est pas, en effet, ma personne ni mes actes qui vous font peur : mes actes, qui t’inspirent cette frayeur à mon égard, je ne les ai pas accomplis volontairement, je les ai subis, et tu le saurais s’il m’était permis de te raconter ce qu’ont fait mon père et ma mère. Tout cela, je le sais sûrement. D’ailleurs, comment serais-je par moi-même un criminel ? Je n’ai que rendu le mal qu’on me faisait, de sorte que si j’avais agi en pleine conscience, je n’aurais même pas alors été coupable. En réalité, la route que j’ai suivie, je l’ai suivie, sans rien savoir, tandis qu’eux, mes bourreaux, ils savaient bien qu’ils me faisaient périr. C’est pourquoi je vous supplie au nom des dieux, étrangers, comme vous m’avez fait sortir de cette enceinte, ainsi sauvez-moi et n’allez pas, tout en respectant les dieux, leur faire ensuite injure. Songez qu’ils ont les yeux ouverts sur les gens pieux parmi les hommes, ouverts aussi sur les impies, et qu’aucun criminel ne leur a encore échappé. — (Au Coryphée.) A leur exemple, garde-toi de déshonorer l’heureuse Athènes en commettant des actes sacrilèges ; au contraire, comme tu as accepté en moi un suppliant sous ta caution, protège-moi, sois mon gardien fidèle. N’insulte pas mon front que tu vois défiguré. Je viens


    sa supplication par des dactyles ; quand elle l’interrompt pour la justifier, le mètre change. Dès qu’elle la reprend, les dactyles reviennent. Et la strette entière est extrêmement passionnée.

  1. Ce n’est pas seulement le patriotisme du poète qui lui fait prodiguer à l’égard de sa patrie ces nobles éloges ; en faisant ainsi parler son Œdipe, il lui prête un langage très habile. Toute la gloire antérieure qu’Athènes s’est acquise, en secourant les exilés, est mise en jeu : il faut qu’elle accueille le nouveau suppliant. — Que ces louanges fussent méritées, c’est un fait hors de doute. La piété d’Athènes était célèbre, de même que son hospitalité. (Cf. Isocrate, Panég. 33, 44 ; Thucyd. II, 39, 1.) Il y avait même dans la cité un autel élevé à la Pitié, dit le scholiaste. (Cf. Pausanias, I, 17, 1.)