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Page:Sophocle (tradcution Masqueray), Tome 2.djvu/308

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Un peu lent.

Le Coryphée.Sans doute, il est cruel, étranger, de réveiller un mal depuis longtemps déjà assoupi, pourtant je brûle du désir d’apprendre…

Œdipe.Que veux-tu ?

Le Coryphée.La douleur pitoyable, insurmontable, qui s’est attachée à toi[1].

Œdipe.Par l’hospitalité que tu m’accordes, ne me fais pas révéler les hontes que j’ai souffertes.

Le Coryphée.Le bruit en est immense, chacun les raconte, je voudrais, étranger, en entendre un récit véridique.

Œdipe.Hélas !

Le Coryphée.Résigne-toi, je t’en supplie.

Œdipe.Hélas ! Hélas !

Le Coryphée.Cède, moi aussi, j’ai cédé à ta prière.

Même mouvement, les rôles étant intervertis.

Œdipe.Je suis chargé d’un malheur, étrangers, oui, j’en suis chargé malgré moi, que la divinité le sache ; rien de tout cela n’a été voulu.

Le Coryphée.Mais comment cela ?

Œdipe.A un fatal hymen, à une union maudite la cité m’a lié et je n’en savais rien.

Le Coryphée.Est-ce qu’avec ta mère, comme je l’entends dire, tu as partagé une couche incestueuse ?

Œdipe.Hélas ! c’est la mort pour moi, étranger, que d’entendre cela : et ces deux êtres nés de moi…

  1. Dans la parodos les Coloniales n’avaient appris qu’une chose : le nom du mendiant arrivé dans leur dème. Ils veulent maintenant qu’il leur dise ses crimes. Sans doute, leur curiosité est intempestive, cruelle même ; c’est la mort pour Œdipe d’entendre de pareilles questions. (Cf. v. 529.) Le coryphée, — comme le public, — ne prend pas garde à ses tortures et veut tout savoir. Thésée qui va bientôt entrer en scène sera plus discret et plus généreux.