Œdipe. — Thésée, en quelques mots la noblesse de ton caractère m’a permis de n’avoir à formuler moi-même que de brèves paroles. Qui je suis, de quel père je suis né, de quel pays j’arrive, tu viens de l’indiquer ; il ne me reste plus qu’à expliquer ce que je désire, et j’aurai tout dit.
Thésée. — C’est cela, parle, renseigne-moi.
Œdipe. — Je viens t’apporter mon malheureux corps : à le voir, il n’a guère de valeur, mais les avantages à en tirer sont plus grands que sa beauté.
Thésée. — Quels avantages prétends-tu apporter par ta venue ?
Œdipe. — Plus tard, tu l’apprendras et non, je crois, dans le présent.
Thésée. — En quel temps la valeur de ce don sera-t-elle révélée ?
Œdipe. — Lorsque je serai mort et que tu m’auras enseveli.
Thésée. — Tu ne penses qu’à la fin de ta vie en ta demande, mais ce qui t’en sépare, l’oublies-tu ou n’en fais-tu aucun cas ?
Œdipe. — C’est qu’en cela pour moi tout le reste est compris.
Thésée. — Mais la faveur que tu demandes est vraiment bien légère.
Œdipe. — Fais attention pourtant : elle ne sera pas mince, non, la lutte qui va venir.
Thésée. — Est-ce que tu parles de tes fils ou de moi ?
Œdipe. — Ceux-ci prétendent me ramener à Thèbes.
Thésée. — Mais, contre leur volonté, il n’est pas convenable pour toi de vivre en exil.
Œdipe. — Mais, quand je le voulais moi-même, ils ne me l’ont pas accordé[1].
Thésée. — Insensé ! Dans le malheur le ressentiment n’est pas chose opportune.
- ↑ Ils n’ont pas fait autrefois ce qu’il voulait (cf. 443 sqq.) : il leur rend aujourd’hui ! a pareille.