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Page:Sophocle (tradcution Masqueray), Tome 2.djvu/338

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Œdipe — Que les divinités de ces lieux me laissent encore proférer cette malédiction : Lâche que tu es ! tu m’as déjà pris les êtres qui y voyaient pour moi, et tu veux encore, quand je suis sans défense, t’emparer de moi par force et te sauver ! Puisse à toi et à ta race le dieu à qui rien n’échappe, Hélios, te donner la vie qu’il m’a donnée dans ma vieillesse !

Créon. — Voyez-vous cela, habitants de ce pays ?

Œdipe. — Oui, ils nous voient l’un et l’autre, et ils constatent que tes outrages sont des actes et que je ne me venge de toi que par des mots.

Créon. — Non, je ne veux plus contenir ma colère et — (désignant Œdipe,) je vais l’emmener de force, bien que je sois seul et alourdi par l’âge.

Il s’élance sur l’aveugle, pour le saisir.
Agité.

Œdipe.Malheur à moi[1] !

Le Coryphée.Avec quelle impudence tu es venu ici, étranger, si tu crois que tu vas faire ce que tu dis.

Créon.Je le crois.

Le Coryphée.Alors, à mes yeux, cette cité n’en sera plus une.

Parlé.

Créon. — Avec les armes du droit le faible même triomphe du fort.

Œdipe. — Vous entendez ce qu’il ose dire ?

Le Coryphée. — Et qu’il n’accomplira point ; je le sais clairement.

Créon. — Zeus peut bien le savoir, toi non.

Le Coryphée. — N’est-ce pas une insulte, cela ?

Créon. — Une insulte, oui, et qu’il faut supporter.

  1. Les vers 876-886 répondent à 833-843. Cf. p. 161, note.