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Page:Sophocle (tradcution Masqueray), Tome 2.djvu/36

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Déjanire. — Quelle parole, vieillard, dis-tu là ?

Le Messager. — Que bientôt dans ton palais ton époux désiré va revenir, et qu’il apparaîtra dans la puissance de la victoire.

Déjanire. — De quelles gens du pays, de quel étranger as-tu appris ce que tu annonces ?

Le Messager. — Dans une prairie où paissent des bœufs, devant la foule, le héraut Lichas proclame ces nouvelles, et moi, qui l’ai entendu, je suis accouru pour être le premier à te les apprendre, afin d’en tirer quelque profit[1] et d’acquérir ta reconnaissance.

Déjanire. — Mais lui, Lichas, comment n’est-il pas ici, s’il porte un heureux message ?

Le Messager. — Cela ne lui est guère facile, femme. En cercle, tout le peuple des Maliens l’interroge, l’entoure et il ne peut faire un pas en avant. Les curieux, chacun voulant être renseigné, ne le laissent pas partir, avant d’apprendre tout ce qu’ils veulent. Ainsi malgré lui il cède à leur empressement, il reste. Cependant tu le verras bientôt devant toi.

DÉJANIRE.(Après s’être recueillie.) Zeus, qui habites la prairie inviolée de l’Œta[2], enfin après un long temps tu nous as donné de la joie ! Chantez, femmes, et dans le palais et hors de cette demeure, car cette nouvelle fait surgir en moi un bonheur que je n’espérais plus.

Animé.

Le Chœur.Que celle qui attend son époux fasse retentir dans le palais, près du foyer, des cris de joie ! que l’unanime clameur des jeunes gens célèbre le dieu tutélaire,

  1. Ce qui fait agir cet homme, c’est surtout l’intérêt. Il a cela de commun avec la plupart des Messagers de Sophocle. Cf. vol. I, p. VII.
  2. Le sommet de l’Œta était consacré à Zeus. Hyllos y avait offert de nombreux sacrifices. (Cf. v. 1192). Ce sommet est, dit le texte, ἄτομος, parce qu’on n’avait pas le droit d’y faucher l’herbe. (Cf. Eurip. Hipp. 76.) Et les faits étaient bien tels que les poètes le disent, puisqu’en Crète, dans l’ίερόν de Zeus Δικταῖος, il était défendu de