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Page:Sophocle (tradcution Masqueray), Tome 2.djvu/378

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perte. Filles d’Œdipe, mes sœurs, puisque vous avez entendu ces inflexibles imprécations de mon père, au nom des dieux, si elles s’accomplissent et si vous revenez à Thèbes, vous, du moins, ne me refusez pas les derniers honneurs, accordez-moi un tombeau et des funérailles[1]. La gloire actuelle que vous tirez des soins donnés à Œdipe sera doublée par le secours que vous m’aurez accordé.

Antigone. — Polynice, je te supplie de m’écouter.

Polynice. — Chère Antigone, que veux-tu ? Parle.

Antigone. — Ramène ton armée dans Argos au plus vite ; ne cause pas ta perte et celle de ta patrie.

Polynice. — Mais c’est impossible. Comment de nouveau conduirais-je la même armée, si une fois j’ai pris la fuite ?

Antigone. — Et pourquoi, mon frère, céder encore à la haine ? Quel profit te revient-il à détruire ta patrie ?

Polynice. — C’est un déshonneur de fuir, et d’être ainsi, moi l’aîné, insulté par mon frère.

Antigone. — Vois-tu comme tu réalises ainsi les prédictions de notre père, qui vous annonce que vous périrez l’un par l’autre ?

Polynice. — C’est son désir, et moi, il ne faut pas que je recule.

Antigone. — Que je suis malheureuse ! Mais qui aura le courage de te suivre en apprenant de telles prédictions ?

Polynice. — Elles sont funestes : je ne les divulguerai pas. Un chef d’armée adroit annonce les nouvelles favorables et tait celles qui laissent à désirer[2].

Antigone. — Ainsi donc, mon frère, c’est une chose bien résolue ?


    prétendait qu’après les longues épreuves de sa vie il était arrivé à la résignation. La colère, comme il est dit plus haut, v. 954 sq., ne vieillit pas avec l’homme et elle ne s’éteint que dans son tombeau. Il faut, en effet, dans toute œuvre dramatique, graduer les sentiments pour qu’ils aient leur plein effet.

  1. Nous sommes ainsi renvoyés à l’Antigone par l’auteur lui-même.
  2. On dirait cela écrit d’hier.