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Page:Sophocle (tradcution Masqueray), Tome 2.djvu/396

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ses enfants de ses mains aveugles et dit : « Mes filles, ayez du courage, éloignez-vous d’ici, il le faut : ne cherchez pas à voir, ni à m’entendre dire ce qui vous est interdit. Allez-vous-en vite. Que Thésée seul, que cela regarde, demeure et apprenne ce qui va se passer. » Voilà ce que nous l’avons tous entendu dire, et fondant en larmes, nous suivions les jeunes filles, en gémissant. A quelques pas de là, au bout d’un instant, nous nous retournâmes[1] : Œdipe n’était plus là, il n’y avait plus personne ; seul, le roi tenait la main devant son visage, pour se couvrir les yeux, comme si quelque prodige effrayant lui était apparu, dont il n’eût pu supporter la vue. Quelques instants après, qui furent courts, nous le voyons se prosterner et adorer la terre et l’Olympe des dieux dans la même prière. — Comment est mort Œdipe, aucun mortel ne saurait le dire, excepté Thésée. Il n’a péri ni frappé par la foudre enflammée de Zeus, ni emporté par un ouragan venu de la mer qui ait éclaté à ce moment-là. C’est quelque dieu qui l’a emmené, ou bien le sol de la terre, des morts s’est entr’ouvert pour l’accueillir et le mettre à l’abri de toute souffrance. Œdipe s’en est allé sans gémissements, sans douleurs de maladies, d’une manière merveilleuse, s’il en fut jamais une. Si l’on taxe mes paroles de folie, je n’essaierai pas de convaincre ceux à qui je parais déraisonner[2].

Le Coryphée. — Où sont les filles d’Œdipe et ceux des nôtres qui les ont accompagnées ?

Le Messager. — Elles ne sont pas loin : des bruits de gémissements indiquent clairement qu’elles approchent.

Entrent Antigone et Ismène.


    Charon, comme ici, crie à l’épouse d’Admète de se hâter : τί μέλλεις ; ἐπείγου.

  1. Ils y sont bien forcés, puisqu’il faut que nous sachions ce qu’Œdipe est devenu, mais ils font une faute grave. Cf. Notice, p. 152.
  2. La fin est un peu sèche. Sophocle pressent que parmi les spectateurs, — quelle que soit la beauté émouvante de son récit, qui se termine dans la résignation et l’apaisement, — il y aura des scep-