Aller au contenu

Page:Sophocle (tradcution Masqueray), Tome 2.djvu/42

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

En effet, lorsque Eurytos le reçut dans sa maison, à son foyer, il l’injuria bruyamment en paroles, bien qu’Héraclès fût depuis longtemps son hôte, et avec une intention pernicieuse. Il disait qu’Héraclès avec ses traits inévitables était inférieur à ses fils[1] dans la lutte de l’arc, qu’en se laissant outrager, il marquait bien qu’il était un esclave et non pas un homme libre. Enfin, quand Héraclès se fut enivré dans un repas, il le chassa hors de son palais. Irrité de ces affronts, un jour[2] qu’Iphitos[3] était monté sur la colline de Tirynthe pour chercher ses cavales errantes, au moment où ses yeux étaient tournés ailleurs, comme son esprit, Héraclès le précipita du sommet élevé de la montagne[4] Irrité de cet acte le dieu de l’Olympe, Zeus, père de tous les êtres, le chassa et le fit vendre : il ne pouvait supporter qu’Héraclès eût jamais tué quelqu’un par ruse. S’il s’était vengé ouvertement, Zeus lui aurait pardonné, parce que sa violence eût été juste, car les dieux eux-mêmes détestent l’injure. Et maintenant, après leur arrogance de langage, Eurytos et les siens sont tous eux-mêmes des habitants de l’Hadès, tandis que leur cité est asservie. Ces femmes que tu vois s’acheminent vers toi : elles ont été heureuses et aujourd’hui personne n’envie le sort qui les attend. Ton époux l’a ordonné, et moi, son fidèle serviteur, j’accomplis ce qu’il a dit. Quand il aura immolé à Zeus, son père, les victimes immaculées, pour le remercier de la prise d’Œchalie, alors, sois-en sûre, il viendra. Et c’est encore là de toutes les belles choses que je t’ai racontées, ce que tu as de plus agréable à apprendre.

  1. D’après Hésiode, cité ici par le scholiaste, Eurytos avait quatre fils : Déiôn, Clytios, Toxeus et Iphitos. Il est vrai que Créophylos, l’auteur de la Prise d’Œchalie, ne lui en donnait que deux.
  2. Un jour, dans le texte : αὗθις. Cf. Ajax, 1283. Dans les deux cas un certain temps s’est écoulé entre les faits.
  3. Il n’est pas dit ici, ni plus haut, v. 38, que cet Iphitos était fils d’Eurytos, parce que tout le monde le sait. La légende d’Héraclès était très connue et dans les sept tragédies conservées de Sophocle le dieu y joue deux fois un rôle.
  4. Lichas oublie un détail, qui n’est pas sans importance. Cf. p. 17, note.