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Page:Sophocle (tradcution Masqueray), Tome 2.djvu/48

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Déjanire. — Faut-il rappeler ici les autres ? Veux-tu parler seulement à moi et à ces femmes ?

Le Messager. — A toi et à elles, rien ne s’y oppose. Les autres, laisse-les.

Déjanire. — Eh bien, ils sont partis. Explique-toi.

Le Messager. — Cet homme, dans le récit qu’il vient de faire, n’a pas parlé comme il le devait : ou bien maintenant il te trompe, ou bien tout à l’heure son message était infidèle.

Déjanire. — Que dis-tu ? Explique-moi clairement tout ce que tu as dans l’esprit. Je ne comprends pas tes paroles.

Le Messager. — J’ai entendu cet homme dire, et bien des témoins étaient là, que c’est à cause de cette jeune fille qu’Héraclès a tué Eurytos, qu’il a pris Œchalie, malgré ses hauts remparts, que le seul dieu Eros l’a poussé à ces violences et que ce qui s’est passé en Lydie n’y est pour rien, ni son esclavage sous les ordres d’Omphale, ni la mort où il précipita Iphitos. Or, dans le récit tout différent qu’il vient de faire, Lichas n’a pas parlé d’Eros. Comme Héraclès ne pouvait décider le père à lui donner sa fille, pour qu’il s’unît en secret avec elle, il inventa une raison frivole, un prétexte, et il attaque avec une armée la patrie de la jeune fille[1] où Lichas a dit que régnait Eurytos ; il tue son père, il ravage sa cité. Et maintenant comme tu le vois, il revient dans ce palais avec elle[2], et ce n’est pas sans y avoir réfléchi qu’il l’envoie, femme, ni comme si elle était une esclave : non, ne t’y attends point. D’ailleurs, ce ne serait pas naturel, si le désir l’enflamme. J’ai donc

  1. Tous les éditeurs, Jebb excepté, admettaient en ce passage une interpolation. Le papyrus mentionné dans la Notice de cette tragédie, p. 3, leur donne tort et toutes leurs suspicions semblent vaines.
  2. Le mari qui introduisait une ἑταίρα dans la maison, où il habitait avec sa femme légitime, se mettait tout à fait dans son tort, puisque la loi autorisait cette dernière à le quitter, après avoir été trouver l’archonte. Cf. le Contre Alcibiade, 14, faussement attribué à Andocide : οὕτως ὺϐρίστης ἦν (ὁ Ἀλκιϐιάδης) έπεισάγων εἰς τἡν αύτἡν οίκίαν ἑταίρας, καἱ δούλας καἱ ἐλευθέρας, ὥστ᾽ ήνάγκασε τἡν γυναῖκασωφρονεστάτην οὖσαν άπολιπεῖν, έλθοὒσαν πρὁς τὁν ἄρχοντα κατἁ τὁννόμον.