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Page:Sophocle (tradcution Masqueray), Tome 2.djvu/82

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dans la fumée qui l’entoure, il lève un œil hagard, il me voit en pleurs au milieu de la foule, il me regarde, il m’appelle : « Mon enfant, approche, ne fuis pas mon mal, même s’il faut que ma mort entraîne ta mort ; enlève-moi loin d’ici, surtout mets-moi où personne ne puisse me voir, et si tu as de la compassion pour moi, au moins éloigne-moi promptement de ce pays, que je ne meure pas où je suis. » Telles furent ses recommandations ; nous retendîmes au centre d’un navire et nous l’avons déposé avec peine sur ce rivage ; des spasmes le font rugir. Bientôt vous allez le voir, il respire encore, à moins qu’il ne vienne d’expirer. Voilà, ma mère, ce que contre mon père tu es convaincue d’avoir tramé et accompli. Puisse la vengeresse Diké, puisse Érinys t’en punir ! Si j’en ai le droit, tel est mon vœu, et j’en ai le droit, car ce droit, tu me l’as donné, en tuant le meilleur de tous les êtres sur la terre, un homme dont tu ne verras jamais l’égal.

Déjanire, sans prononcer une parole, s’achemine vers le palais.

Le Coryphée. — Pourquoi t’en vas-tu sans dire un mot ? Ne vois-tu pas que ton silence donne raison à ton accusateur ?

Hyllos. — Laissez-la s’éloigner. Puisqu’elle fuit loin de mes yeux, qu’un bon vent se lève pour elle ! Pourquoi porter inutilement le nom respectable de mère, quand on ne fait rien qui réponde à ce nom ? Qu’elle s’en aille, adieu, et puisse la joie qu’elle donne à mon père devenir la sienne propre !

Il sort.
Assez vif.

Le Chœur.Voyez, Jeunes filles, comme s’est manifestée subitement à nos yeux la parole divine de l’antique oracle : il


    essaie d’imiter, avec les syllabes de ses iambes, le retentissement douloureux.