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Page:Sophocle - Œdipe Roi, trad. Bécart, 1845.djvu/115

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LE CHŒUR.
Que fait, que veut Œdipe en ce désordre affreux ?


L’OFFICIER.
— Qu’on ouvre le palais, qu’on montre à tous les yeux,

Dit-il, ce parricide et ce monstre coupable
Qui de sa mère,... horreur !... ô forfait exécrable[1] !... —
Épargnez-moi Thébains, ce douloureux récit ;
Je n’ose répéter les horreurs qu’il vomit...
Il s’exile à jamais, se voue à l’anathème
Que sa bouche naguère a lancé sur lui-même ;...
Il se traîne sans force, et dans sa sombre nuit,
Son pas a désormais besoin d’être conduit...
Mais il va se montrer aux yeux de Thèbe entière.
Son plus grand ennemi pleurerait sa misère[2] !


Scène II.

ŒDIPE, LES MÊMES.
LE CHŒUR.
O comble de malheurs ! spectacle déchirant !

Jamais à nos regards un tableau plus touchant
Ne s’est offert. O prince ! ah ! quel cruel délire
S’empara de tes sens ! Quel Dieu vengeur t’inspire

  1. L’envoyé, par une réticence de pudeur, n’achève pas sa pensée et ne nomme point le crime.
  2. Ce spectacle exciterait la pitié même d’un ennemi. — Vous le verrez bientôt : Corneille, Racine et Voltaire ont cru que ce serait une chose horrible d’exposer Œdipe aveugle et sanglant aux yeux des spectateurs. Dacier a répondu aux deux premiers par ces vers si connus :
    Il n’est point de serpent, ni de monstre odieux
    Qui par l’art imité ne puisse plaire aux yeux.
    ..........
    Ainsi, pour nous charmer, la Tragédie en pleurs
    D’Œdipe tout sanglant fait parler les douleurs.
    BOILEAU.