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Page:Sophocle - Œdipe Roi, trad. Bécart, 1845.djvu/16

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tiques sur les différents Œdipes, des commentaires philologiques complets, et sera suivie des imitations et des traductions latines, françaises, allemandes, italiennes, etc. Elle formera un fort gros volume in-8o, imprimé avec soin et avec luxe : on peut y souscrire dès à présent chez les principaux libraires de Paris et de Bruxelles, ainsi que chez l’auteur, dans cette dernière capitale.

Quels que soient les jugements que l’on porte sur notre travail d’une difficulté tellement insurmontable que des littérateurs de la plus haute distinction n’ont osé ni pu l’entreprendre[1], nous déclarons en avoir été assez récompensé par ce seul plaisir indicible, par cette exquise et divine volupté de l’esprit, laquelle ne peut être mieux goûtée et sentie qu’en traduisant un poète d’un talent éminemment supérieur, en s’identifiant en quelque sorte avec un génie sublime et extraordinaire. Quelles douceurs ne fait pas éprouver à l’âme le sentiment d’une admiration continue ; quelles jouissances et quelles délices ne goûte-t-on pas en imitant, et en tâchant de refléter comme dans un miroir ces traits de vive flamme, ces rayons électro—magnétiques du feu sacré, qu’on ne saurait pourtant reproduire dans toute leur réalité et dans toute leur vigueur !

Cette traduction, fût—elle très-imparfaite, comme nous n’en doutons aucunement, servira du moins à faire mieux sentir, dans toute leur force et dans toute leur franchise native, les sublimes beautés de celui que ressuscita Racine ; elle contribuera peut-être un jour, cette faible obole littéraire, à nous faire jouir d’une traduction vraiment digne de la pièce grecque ? C’est là un vœu auquel s’associera tout véritable amateur de la plus belle littérature qui ait jamais immortalisé un peuple et d’une langue si belle, si riche et si sonore, que l’éloquent Mirabeau regrettait amèrement qu’on l’eût laissé passer à l’état de langue morte.

Nous n’ignorons pas qu’une traduction à peu près parfaite d’un chef-d’œuvre aussi difficile à bien rendre ou à reproduire fidèlement et avec élégance, nous placerait dans un rang des plus élevés de la littérature, mais nous sommes loin de prétendre à un pareil honneur. Toutefois il nous sera permis de dire avec Horace :

...Si quid novisti rectius istis,
Candidus imperti : si non, his utere mecum.
  1. On connaît l’opinion de Boileau sur l’Œdipe-Roi, et l’estime qu’en faisait le grand Racine, qui, tenté de le traduire, tremblait toujours de le faire avec infériorité.