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Page:Sophocle - Œdipe Roi, trad. Bécart, 1845.djvu/38

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INTERMÈDE OU CHŒUR[1] DU PREMIER ACTE.

O douce voix du Souverain des Dieux[2],
Qui de l’auguste et brillant sanctuaire

  1. Le chœur est le personnage moral des tragédies anciennes : c’est, pour ainsi dire, la personnification des pensées morales qu’inspire l’action, l’organe des sentiments du poète parlant au nom de l’humanité tout entière.

    Les poètes Grecs introduisaient le chœur sur la scène et le liaient avec leurs fictions ; on voulait que dans chaque pièce, quelque rôle particulier qu’il y jouat d’ailleurs, il fût avant tout le représentant de l’esprit national et ensuite le défenseur des intérêts de toute la société humaine. Le chœur était, en un mot, le spectateur idéal, il modérait les impressions excessivement violentes ou douloureuses d’une action quelquefois trop voisine de la réalité, et en offrant au spectateur véritable le reflet de ses propres émotions, il les lui renvoyait adoucies par le charme d‘une expression lyrique et harmonieuse. (Voyez Schlegel.)

    Le chœur était placé dans l’orchestre, sur le devant de la scène, auprès du thymélé, espèce d’autel autour duquel il exécutait ses évolutions.

    Dans la tragédie grecque, dit Marmontel, les personnes qui composaient le chœur exécutaient une espèce de marche, d’abord à droite et puis à gauche, et ces mouvements qui figuraient, dit-on, ceux de la terre (d’un tropique à l’autre) se terminaient par une station. Or, la partie du chant qui répondait au mouvement du chœur allant à droite, s’appelait strophe ; celle qui répondait à son retour s’appelait antistrophe, et la 3e qui répondait à son repos, s’appelait épode ou clôture. Il n’y avait quelquefois qu’un seul mouvement. Le chef du chœur se nommait Coryphée : quand le chœur se séparait en deux fractions, il y avait deux coryphées.

    (στροφή) Demetrius-Triclinus, dans son curieux ouvrage sur les vers de Sophocle, dit que la strophe se chantait par le chœur, qui marchait tourné vers la droite, qu’il se tournait vers la gauche pour chanter l’antistrophe et qu’enfin il chantait l’épode après la strophe et l’antistrophe en se tenant immobile. On prétend que, par ces évolutions empruntées à l’Égypte, la Grèce voulait comme elle marquer le cours des astres. Ainsi la strophe et le tour à droite signifiaient le mouvement des étoiles fixes ; l’antistrophe et le tour à gauche indiquaient le cours des planètes ; enfin, l’épode et sa situation avaient trait à l’état fixe de la terre. Pindare a fait passer les mêmes tours et retours dans ses odes, apparemment parce qu‘en les chantant on faisait les mêmes évolutions. Thésée, de retour de Crète, inventa une danse qui consistait à tournoyer en diverses manières, en mémoire du Labyrinthe. À l’égard des mouvements du chœur à droite et à gauche, ils sont assez difficiles à concevoir.

    « Je crois, dit Dacier, que le chœur était partagé en deux bandes comme chez les Hébreux ; la troupe à droite commençait, s’avançant vers la gauche jusqu’à la moitié du théâtre : c’était la strophe ; l’autre troupe faisait de même, c’était l’antistrophe. »|0}}{{g|Les vers de ce Pœan chantés à l’occasion de la peste de Thèbes, sont appelés monostrophiques. Des hellénistes, notamment Fr. Thiersch, le partagent cependant en trois strophes, dont ils donnent la mesure.

  2. O douce voix de Jupiter ! c’est-à-dire, l’oracle d’Apollon, car ce Dieu n’était que le prophète, l’interprète de son père, le ministre de ses conseils.
     
    Un oracle, pour faire cesser la peste, était arrivé de Delphes à Thèbes : le chœur désire en avoir connaissance. Cette voix était douce, puisqu’elle promettait la délivrance des Thébains. Pythos est un ancien nom de Delphes. Le temple était enrichi de dons innombrables, et depuis, le lieu de l’oracle fut bâti de mille tuiles d’or qu’envoya Crésus.