Page:Sophocle - Œdipe Roi, trad. Bécart, 1845.djvu/83

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Ne voyant point d’abîme,
Elle enfante le crime,
Se plonge imprudemment dans d’effrayants malheurs !

Phébus, dieu secourable,
Éclaircis ces débats dont les sombres horreurs,
L’incertitude déplorable,
Viennent jeter le deuil parmi tous les Thébains
Invoquant ta justice et tes secours divins.

Périssent les mortels
Dont la main sacrilège
Viole des autels
Le sacré privilège[1] !
Périssent ceux dont la cupidité
Veut assouvir des voluptés coupables
Par l’or, souvent le fruit de crimes exécrables !
Oh ! si les Immortels souffraient l’impiété,
Qui voudrait de son âme
Régler les mouvements,
Sans voir de châtiments
Réservés à l’infâme ?
Pourquoi, si des forfaits ne leur sont odieux,
Par ces jeux solennels honorons-nous les Dieux ?

Pourquoi brûler à Delphe ou dans toute autre ville[2]
En l’honneur de ces Dieux un encens inutile ?

  1. Ce sont principalement les traits que renferment les vers de cette strophe qui ont fait supposer que le poète avait en vue la conduite d’Alcibiade. Ils peuvent aussi bien faire allusion à la société athénienne, au commencement de la guerre du Péloponnèse, et à certains faits particuliers de cette époque. En tout cas, ils sont parfaitement en rapport avec les données du drame, avec les caractères de Laïus, de Jocaste et d’Œdipe.
  2. Nous ne pouvions mentionner ici Abes, petite ville de la Phocide, aujourd’hui Modi, près du Céphise, et où Apollon avait un temple et un oracle célèbres. Selon Pausanias, elle a été bâtie par une colonie argienne, sous Abas, fils de Lyncée et d’Hypermnestre.