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Page:Sophocle - Œdipe Roi, trad. Bécart, 1845.djvu/91

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Vis heureux et bannis ces frivoles pensées !

ŒDIPE.
Ces paroles seraient on ne peut plus sensées,

O Jocaste ! si celle à qui je dois le jour
Se trouvait aujourd’hui dans le sombre séjour.

JOCASTE.
De ton père la mort te rassure et t’éclaire.


ŒDIPE.
J’en conviens, mais je crains tant que vivra ma mère,

Sans cesse je frémis.

LE BERGER.
Puis-je savoir, seigneur,

Quelle femme t’inspire une telle terreur ?

ŒDIPE.
C’est Mérope, elle était l’épouse vénérable

Du roi Polybe.

LE BERGER.
Eh quoi ! monarque respectable,

Qui peut à son sujet alarmer tes esprits ?

ŒDIPE.
Les terribles malheurs par l’oracle prédits...


LE BERGER.
Mais peut-on les savoir ?... faut—il qu’on les ignore ?


ŒDIPE.
Tu les sauras. Phébus, qu’à Delphes on honore,

M’a prédit sans détour qu’un jour on me verrait
Parricide, et de plus, pour comble de forfait,
Qu’après avoir souillé mes mains du sang d’un père,
Incestueux enfant j’épouserais ma mère !
Aussi, depuis longtemps de Corinthe j’ai fui ;
Sur ma tête... jamais ce jour fatal n’a lui.
Pourtant il est si doux de jouir dans la vie