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Page:Sophocle - Tragédies, trad. Artaud, 1859.djvu/175

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ŒDIPE.

Quels parents ? Arrête : quel mortel m’a donné la vie !

TIRÉSIAS.

Ce jour va te donner la naissance et la mort[1].

ŒDIPE.

Comme toutes tes paroles sont énigmes obscures !

TIRÉSIAS.

N’excelles-tu pas dans l’art de les expliquer ?

ŒDIPE.

Reproche-moi un fait où tu trouveras la preuve de ma grandeur.

TIRÉSIAS.

C’est pourtant cette fortune même qui t’a perdu.

ŒDIPE.

Si du moins j’ai sauvé Thèbes, peu m’importe le reste.

TIRÉSIAS.

Eh bien ! je me retire. Enfant, conduis-moi.

ŒDIPE.

Qu’il t’emmène donc ; car ta présence me trouble et m’importune ; une fois parti, tu ne me fatigueras plus.

TIRÉSIAS.

Je partirai, mais après avoir dit ce qui m’amenait ici, et sans craindre ton visage menaçant[2] ; car il n’est pas en ton pouvoir de me faire périr. Je te le dis donc, cet homme que tu cherches avec tant de menaces, par tes édits contre le meurtrier de Laïus, il est dans Thèbes, où il passe pour étranger, mais bientôt il sera reconnu pour Thébain indigène ; il n’aura pas à se réjouir de l’aventure. Car il perdra la vue, il perdra ses richesses, aveugle et pauvre, il errera sur une terre étrangère, cherchant sa route, le bâton à la main[3]. Il sera reconnu pour être

  1. Voltaire, Œdipe.
  2. Horace, l. III, Od. 3, v. 3 :
    Non vultus instantis tyranni
    Mente quatit solida.
  3. Sénèque, Œdipe, v. 654, a traduit ce vers :
    Repet incertus viæ.
    Baculo senili triste prætentans iler.