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Page:Sophocle - Tragédies, trad. Artaud, 1859.djvu/188

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ŒDIPE.

Ne m’interroge pas encore. Mais Laïus, dis-moi, quelle était sa taille, quel était son âge ?

JOCASTE.

Sa taille était élevée, sa tête commençait à blanchir, et ses traits n’étaient pas très-différents des tiens.

ŒDIPE.

Hélas ! malheureux ! sans le savoir, j’ai lancé contre moi-même de terribles imprécations.

JOCASTE.

Que dis-tu ? je n’ose porter mes regards sur toi.

ŒDIPE.

Je tremble que le devin ne soit trop clairvoyant[1]. Mais tu éclairciras mes doutes, si tu ajoutes encore un seul mot.

JOCASTE.

Vraiment, je frémis ; cependant, ce que tu me demanderas, si je le sais, je te le dirai.

ŒDIPE.

N’avait-il avec lui qu’une petite escorte, ou marchait-il entouré de gardes nombreux, comme il convient à un roi ?

JOCASTE.

Cinq hommes composaient son escorte, et de ce nombre était le héraut[2] ; un seul char menait Laïus.

ŒDIPE.

Hélas ! hélas ! tout est clair maintenant ! Mais quel est, ô femme, celui qui vous lit ces récits ?

JOCASTE.

Un de ses serviteurs, qui revint seul sain et sauf.

ŒDIPE.

Se trouve-t-il encore aujourd’hui dans le palais ?

JOCASTE.

Non, vraiment ; car à peine de retour à Thèbes, te voyant sur le trône, et Laïus au tombeau, il me supplia,

  1. Plus haut, v. 371, Œdipe disait à Tirésias : « Toi dont les yeux, les oreilles et l’esprit sont à jamais fermés. »
  2. Apollodore, l. III, c. 5, 7, nomme ce héraut Polyphonte.