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Page:Sophocle - Tragédies, trad. Artaud, 1859.djvu/192

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que Loxias[1] a déclaré devoir périr de la main de mon fils : or, ce fils infortuné n’a pu tuer Laïus, mais il a péri le premier. Aussi, désormais nulle prophétie ne saurait-elle obtenir de moi l’attention la plus légère[2].

ŒDIPE.

Tes réflexions sont justes ; cependant envoie chercher le berger, et ne néglige pas ce soin.

JOCASTE.

J’y enverrai sans retard, mais rentrons dans le palais ; car je ne voudrais rien faire qui ne te fût agréable.



LE CHŒUR.

(Strophe 1.) Puisse-t-il m’être donné de conserver la sainte pureté dans toutes mes actions et mes paroles, et d’obéir à ces lois sublimes, émanées des cieux, dont l’Olympe seul est le père, dont l’origine n’a rien d’humain ni de mortel, et que jamais l’oubli ne peut abolir ! en elles vit la puissance divine, que la vieillesse ne peut atteindre[3].

(Antistrophe 1.) La licence[4] enfante le tyran[5] ; la licence, après s’être livrée follement à des excès désordonnés et funestes, après être montée au comble de

  1. Loxias, nom d’Apollon rendant les oracles. Ce nom vient de λοξός, oblique, à raison du sens obscur et ambigu des oracles.
  2. Littéralement : « En sorte que jamais, pour une prophétie, je ne voudrais regarder d’un côté ou d’un autre. »
  3. Ces lois divines sont célébrées aussi dans Antigone, v. 450-457, sous le nom de lois non écrites, c’est-à-dire naturelles ; par Xénophon, Mémoires sur Socrate, l. IV, c. 4, 19 ; par Cicéron, discours pro Milone, c. 4 ; Platon, Lois, l. VII, p. 377-8, éd. F. Didot ; Thucydide, l. II, c. 37.
  4. Ὕβρις, c’est l’orgueil violent ou la licence, avec tous ses excès, et particulièrement ici la violation des lois.
  5. Musgrave, Hermann et Wunder pensent, avec vraisemblance, que plusieurs passages de ce chœur font allusion à l’état politique d’Athènes, et surtout à Alcibiade. Il est certain que la plupart des traits de la strophe suivante s’appliqueraient parfaitement au caractère d’Alcibiade, et à la mutilation des Hermès, dont il fut accusé. Si ces suppositions sont fondées, il faudrait admettre quo Sophocle composa l’Œdipe roi dans un âge très-avancé.