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Page:Sophocle - Tragédies, trad. Artaud, 1859.djvu/240

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LE CHŒUR.

Le chemin est long ; mais d’ordinaire les propos des voyageurs se propagent vite, et dès qu’il les saura, crois-moi, il se rendra ici. Ton nom, vieillard, vole maintenant de bouche en bouche, et, fût-il dans un profond repos, dès qu’il l’entendra il se hâtera de venir.

ŒDIPE.

Qu’il vienne donc, pour le bonheur de sa patrie et pour le mien ! car quel homme sage n’est pas ami de lui-même ?

ANTIGONE.

O Jupiter ! dois-je parler ? que dois-je penser, mon père ?

ŒDIPE.

Qu’y a-t-il, chère Antigone ?

ANTIGONE.

Je vois une femme qui s’avance vers nous, montée sur un coursier rapide[1] ; sa tête est couverte d’un chapeau thessalien, qui défend son visage contre les rayons du soleil[2]. Que dire ? serait-ce elle ? me trompé-je ? ou est-ce une illusion ? je doute, j’hésite, et ne sais que dire. Mais quoi ? ce ne peut être qu’elle ! Elle me sourit des yeux à mesure qu’elle approche ; tout me le prouve, c’est elle, c’est la tête chérie d’Ismène !

ŒDIPE.

Qu’as-tu dit, ma fille ?

  1. Littéralement, « etnéen », c’est-à-dire de Sicile. Les chevaux de ce pays étaient estimés pour leur vitesse. Voyez dans Pindare les victoires des coursiers d’Hiéron.
  2. Voici l’explication du scholiaste : Ηλιοστέρης, σκιαστική, πλατύπιλος κυνῆ, ήτοι περικεφαλαἰα, τὴν ὂψιν αὺτῆς περιέχει καλύπτουσα, και ὰφαιρουμένη τὴν ήλίωσιν. « Qui défend du soleil, ou qui donne de l’ombre ; coiffure à larges bords qui sert à envelopper la tête, couvre et voile le visage, et le défend contre les rayons du soleil. » Il cite un fragment de Callimaque. Les voyageurs portaient ce chapeau thessalien, pour s’abriter contre la pluie ou contre un soleil ardent. Iris eu porte un, dans les Oiseaux d’Aristophane, v. 1194. Dans maint bas-relief antique, on le voit suspendu au cou, et rejeté sur le dos de certains personnages.