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Page:Sophocle - Tragédies, trad. Artaud, 1859.djvu/244

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ISMÈNE.

Qu’un jour les habitants de ce pays te rechercheront mort ou vivant, dans l’intérêt de leur salut.

ŒDIPE.

Eh ! qui pourra tenir son bonheur d’un homme tel que moi ?

ISMÈNE.

Ils disent qu’en toi réside leur puissance.

ŒDIPE.

Lorsque je ne suis plus, est-ce donc alors que je suis un homme[1] ?

ISMÈNE.

Aujourd’hui les dieux te relèvent, après t’ avoir abaissé.

ŒDIPE.

Que sert de relever un vieillard, dont la jeunesse a été flétrie ?

ISMÈNE.

Sache pourtant que Créon va venir à toi, attiré par cet oracle, et il ne tardera pas longtemps.

ŒDIPE.

Que prétend-il faire, ma fille ? dis-le-moi.

ISMÈNE.

Te fixer sur les confins du territoire thébain, afin de te posséder, sans que tu puisses en franchir la frontière.

ŒDIPE.

Quel bien attendent-ils de moi, gisant ainsi à leurs portes ?

ISMÈNE.

Ta tombe, privée d’honneurs, sur une terre étrangère, leur serait funeste.

ŒDIPE.

Même sans l’oracle des dieux, la chose était facile à comprendre.

  1. C’est-à dire, « que j’ai de la puissance. » Aristophane a employé ὰνὴρ dans ce sens-la ; notamment Chevaliers, v. 178, 392, 1255. De même Euripide, dans les Hèraclides, v. 998.