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Page:Sophocle - Tragédies, trad. Artaud, 1859.djvu/250

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ŒDIPE.

Je t’en conjure, au nom de l’hospitalité que tu m’accordes, ne rouvre point ces plaies ; il m’est arrivé[1] des choses qu’on n’ose redire.

LE CHŒUR.

Le récit[2] tant répété et qu’on ne cesse d’en faire, je désire l’entendre de toi.

ŒDIPE.

Malheur à moi !

LE CHŒUR.

Consens à ma demande, je t’en conjure.

ŒDIPE.

Hélas ! hélas !

LE CHŒUR.

Cède à mes instances, car moi aussi je fais tout ce que tu désires.

ŒDIPE.

(Antistrophe 1.) J’ai été l’auteur des calamités les plus terribles, je l’ai été sans le vouloir[3], j’en atteste les dieux, et aucune n’a été volontaire.

LE CHŒUR.

Mais comment ?

ŒDIPE.

Les citoyens m’enchaînèrent à mon insu, par un hymen fatal, à une couche criminelle.

  1. Les manuscrits donnent Πέπονθ᾿, et l’on met un point après τᾶς σᾶς. Une correction adoptée par Bothe et par Dindorf donne Πέπον, entre deux virgules. Le sens est alors : « Ne dévoile pas, cher hôte, des actes abominables. »
  2. Au lieu de τὀ τοι, M. Boissonade lit τῷ τοι, qui signifierait, c’est pour cette raison que...
  3. Tel est le sens d’άκων, donné par les manuscrits et les anciennes éditions. Bothe et Dindorf le corrigent, et donnent έκὡν. Il faut traduire alors : « J’ai subi d’horribles calamités, ô étrangers, je les ai subies sans contrainte, mais aucun de ces actes n’a été volontaire. » — Œdipe dit ici que s’il a commis le parricide et l’inceste, c’était sans connaître son père ni sa mère ; sa volonté a donc été étrangère à ces deux crimes. Le sens forcé qu’il faut donner à ῆνεγκον dans la première rédaction me fait préférer la seconde.