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Page:Sophocle - Tragédies, trad. Artaud, 1859.djvu/284

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ces imprécations terribles d’un père, au nom des dieux, si elles s’accomplissent, et si jamais vous retournez à Thèbes, ne me privez pas des honneurs de la sépulture, accordez-moi un tombeau et des funérailles[1]. La gloire que votre tendresse filiale vous a acquise s’accroîtra encore par ce pieux service envers moi.

ANTIGONE.

Polynice, je t’en conjure, crois à mes conseils.

POLYNICE.

Chère Antigone, parle, que me conseilles-tu ?

ANTIGONE.

Hâte-toi de ramener ton armée dans Argos, et ne va pas te perdre toi-même avec ta patrie.

POLYNICE.

La chose est impossible. Car comment réunirais-je encore cette même armée, si une fois j’avais reculé ?

ANTIGONE.

Et qu’as-tu besoin, mon frère, de rallumer ta haine ? Que te servira d’avoir renversé ta patrie ?

POLYNICE.

Il serait honteux de fuir, et d’être le jouet d’un frère plus jeune que moi.

ANTIGONE.

Vois-tu comme elles courent à leur accomplissement, les prédictions de ton père, qui vous annoncent à tous deux une mort mutuelle ?

POLYNICE.

Tels sont, en effet, ses vœux ; mais je ne dois pas céder.

ANTIGONE.

Ah ! malheureuse que je suis ! et qui osera te suivre, après avoir entendu de si terribles prédictions ?

POLYNICE.

Je ne les ferai pas connaître ; c’est le fait d’un bon gé-

  1. Bien que la représentation de l’Antigone de Sophocle soit de beaucoup antérieure à celle d’Œdipe à Colone, voilà le sujet de la première pièce exposé et justifié.