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Page:Sophocle - Tragédies, trad. Artaud, 1859.djvu/335

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CRÉON.

Esclave d’une femme, ne m’importune pas de ta loquacité[1].

HÉMON.

Tu veux donc parler seul, et ne veux rien entendre ?

CRÉON.

Vraiment ! mais par l’Olympe, sache que tu ne m’auras pas impunément outragé. Qu’on amène cet objet de ma haine[2], pour qu’à l’instant elle expire, en présence et sous les yeux de son fiancé.

HÉMON.

Non, certes, garde-toi de le croire, non, elle ne mourra pas en ma présence ; et toi, jamais tes yeux ne me reverront ; et tu pourras avec tes amis complaisants te livrer à toutes tes fureurs.




LE CHOEUR.

O roi, il s’est retiré, emporté par la colère. À son âge, un tel désespoir est à craindre.

CRÉON.

Qu’il parte, qu’il conçoive et exécute des projets plus qu’humains ; quant aux deux jeunes filles, il ne les arrachera pas à la mort.

LE CHOEUR.

Penses-tu donc à les faire périr toutes deux ?

CRÉON.

Non pas celle qui n’a point touché le cadavre, car ton observation est juste.

LE CHOEUR.

Et par quel supplice songes-tu à faire périr l’autre ?

CRÉON.

Je la mènerai en un désert, dont nul mortel n’approche ; je la cacherai vivante dans une caverne creusée dans le

  1. Μη κώτιλλέ με. Théocrite, dans les Syracusaines, emploie ce mot, en parlant de deux femmes bavardes.
  2. τὸ μῖσος, Médée, dans Euripide, v. 1320, est appelé par Jason ώ μῖσος.