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Page:Sophocle - Tragédies, trad. Artaud, 1859.djvu/383

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encore, là même où il aurait dû mourir à leur place ?

NÉOPTOLÈME.

C’est un adroit lutteur ; mais souvent, Philoctète, les plus habiles tombent à leur tour.

PHILOCTÈTE.

Mais dis-moi, au nom des dieux, où était donc alors Patrocle, si chéri de ton père ?

NÉOPTOLÈME.

Lui aussi, il était mort ; mais en quelques mots je t’expliquerai tout : la guerre moissonne à regret les lâches, mais elle n’épargne jamais les braves.

PHILOCTÈTE.

Je joins mon témoignage au tien, et même à ce propos, je t’interrogerai sur un indigne personnage, doué pourtant de quelque talent de parole, que fait-il à présent ?

NÉOPTOLÈME.

De qui veux-tu parler, si ce n’est d’Ulysse ?

PHILOCTÈTE.

Ce n’est pas de lui que je parle, mais il y avait un certain Thersite, qui se plaisait à répéter ce que personne ne voulait entendre. Sais-tu s’il vit encore ?

NÉOPTOLÈME.

Je ne l’ai pas vu lui-même ; mais j’ai su qu’il vivait encore[1].

PHILOCTÈTE.

Cela devait être ; car jamais le méchant ne meurt[2] ; mais les dieux l’entourent de leur protection ; tout ce qu’il y a de scélérat et de rompu au mal[3], ils se plaisent à le tirer des enfers, pour y précipiter la probité et la vertu. Que faut-il penser de ces faits ? à quel titre les

  1. Scion le scholiaste, il était mort assommé par Achille, indigné de voir Thersite porter sa lance au visage de Penthésilée, reine des Amazones, que le héros venait d’atteindre d’un coup mortel.
  2. Ce vers était devenu proverbe.
  3. Allusion à Sisyphe, selon le scholiaste. — Voir plus bas le vers 625.