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Page:Sophocle - Tragédies, trad. Artaud, 1859.djvu/440

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(Strophe 2.) Car, ainsi qu’on voit sur la vaste mer les flots agités en sens contraires par le souffle infatigable du Notos ou de Borée, ainsi la vie d’Hercule est agitée et battue par les orages, comme la mer de Crète[1]. Mais toujours un dieu protecteur le préserve sain et sauf de la demeure de Pluton.

(Antistrophe 2.) Voilà pourquoi je blâme tes plaintes, et je veux les combattre, sans cesser de t’aimer. Car, je le dis, tu ne dois pas renoncer à la douce espérance. En effet, le fils de Saturne, qui gouverne le monde, n’a pas donné aux mortels un sort exempt de peines ; mais la joie et la douleur reviennent aussi régulièrement pour chacun de nous, que les révolutions de l’Ourse autour du pôle.

(Épode.) Rien n’est durable chez les mortels, ni la nuit parsemée d’étoiles, ni les chagrins, ni les richesses ; mais tout passe vite, et chacun est visité tour à tour par la joie et la tristesse. Aussi, reine, je te le dis, conserve toujours cette espérance ; car qui a jamais vu Jupiter si peu soucieux de ses enfants ?



DÉJANIRE.

C’est, je le suppose, la connaissance de mon malheur qui t’amène vers moi ; mais ces tourments que j’endure, puisses-tu ne les connaître jamais par ton expérience, toi qui ne les as pas encore éprouvés ! car la jeunesse s’élève dans des lieux riants, où ni les ardeurs du soleil, ni la pluie, ni le souffle des vents ne l’agitent, mais elle passe dans les plaisirs une vie exempte de peines, jusqu’au moment où la vierge, devenue femme, prend, dans une nuit, sa part de soucis, tremblante pour un époux ou

  1. Littéralement : « une sorte de mer de Crète possède Hercule, et accroît les travaux de sa vie. » Horace parle aussi des tempêtes de la mer de Crète. Od. l. I, 26 :
    Tristitiam et metus
    Tradam protervis in mare Creticum
    Portare ventis.