Aller au contenu

Page:Sophocle - Tragédies, trad. Artaud, 1859.djvu/443

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’être pleinement satisfaite. Ainsi il lui faut, malgré lui, complaire à leurs vœux ; mais dans l’instant tu vas le voir paraître.

DÉJANIRE.

O Jupiter, qui règnes sur les prairies sacrées[1] de l’Œta,

tu nous envoies l’allégresse du moins, après une longue attente. Poussez toutes des cris de joie, ô femmes ! dans le palais, comme au dehors ; jouissons aujourd’hui du bonheur inespéré que fait luire pour moi cette nouvelle[2].

LE CHŒUR.

Que le palais retentisse des accents de la joie mêlés aux sacrifices, pour le prochain retour de l’époux, que les cris d’allégresse des jeunes garçons célèbrent ensemble Apollon, dieu tutélaire, armé de son carquois[3] ; chantez Pæan[4], le dieu Pæan ; jeunes vierges, invoquez Diane, sa sœur, déesse d’Ortygie[5], redoutable chasseresse, armée de torches[6], et les nymphes ses compagnes !

Je me sens enlevée dans les airs[7] ; je ne te quitterai point, flûte sacrée qui maîtrises mon âme. Évoé ! voilà que le lierre dont je suis couronnée me trouble et m’excite aux combats de Bacchus[8]. Pæan ! ô Pæan !

Mais regarde, reine chérie, ce que tu as devant les yeux doit te rassurer.

  1. ῍Ατομον, intacte : qui jamais n’avait reçu l’atteinte de la faux, ni des troupeaux. Telle est aussi la prairie consacrée à Diane, dont parle Hippolyte, v. 73 et suivants, dans Euripide.
  2. Littéralement : « car nous jouissons à présent de la lumière inespérée de cette nouvelle, qui s’est levée pour moi. » ῍Ομμα φήμης, expression hardie, comme il s’en trouve souvent dans Sophocle. — Voir la note sur le vers 304 de Philoctète.
  3. Pindare, Pythiq. IX, 45, appelle Apollon εὐρυφαρέτρας.
  4. Pæan, nom d’Apollon, comme dieu qui guérit.
  5. Nom de l’île de Délos.
  6. ᾿Αμφιπυρον, qui porte une torche dans chaque main. C’est un attribut d’Hécate. (Voir Œdipe Roi, v. 198, et les Grenouilles d’Aristophane, v. 1406.)
  7. Ce passage prouve que le Chœur dansait aussi en chantant. Voyez aussi Ajax, v. 701 et suivants.
  8. C’est-à-dire à la danse.