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Page:Sorel - La Vraie histoire comique de Francion.djvu/27

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quelque autre chose à l’heure que ses compagnons viendroient pour accomplir leur intention. Elle lui fit donc accroire que Laurette étoit malade, et qu’elle lui avoit donné charge de lui faire savoir qu’il ne la pouvoit voir pour cette fois-là. Francion, très-marri de cette aventure, fut forcé de reprendre alors le chemin de l’échelle. Il étoit au milieu, lorsque Catherine, qui avoit une âme méchante et déloyale, voulant se venger de l’obstacle qu’il lui étoit avis qu’il mettoit à ses desseins, donna à ses bras toutes les forces que sa rage pouvoit faire accroître, et se mit a secouer la corde pour le faire tomber. Comme il se vit traité de cette façon, après s’être glissé un peu plus bas, il connut bien qu’il lui falloit, faire le saut, de peur que ses membres ne fussent froissés en se choquant contre la muraille. Ses mains quittent donc la prise de l’échelle, et tout d’une secousse il s’élance pour se jeter à terre ; mais il fut si malheureux, qu’il tomba droit dans la cuve où Valentin s’étoit baigné, contre les bords de laquelle il se fit un grand trou à la tête. L’étonnement et l’étourdissement qu’il eut en cette chute le mirent en tel état, qu’il demeura évanoui et n’eut pas le soin de s’empêcher d’avaler une grande quantité d’eau, dont il pensa être noyé. Catherine, qui entendit le bruit qu’il fit en tombant, se réjouit en elle-même de son infortune et retira son échelle quelque temps après, pensant que ses compagnons ne viendroient pas cette nuit-là.

Le voleur, qui étoit demeuré à terre, voyant qu’Olivier, qui étoit entré dans le château, ne songeoit point à lui, et que son autre compagnon étoit attaché en l’air en un lieu dont il ne se pouvoit tirer, n’eut point espérance que leurs desseins dussent avoir une bonne issue. Il se figura que l’on trouveroit encore ce pendu le lendemain au même lieu, et qu’il n’y avoit rien à gagner à demeurer proche de lui que la mauvaise fortune de se voir pendre après d’une autre façon en sa compagnie.

Une certaine curiosité aveugle et conçue sans aucun sujet le convie à se promener par tout le fossé avant que d’en sortir. Étant arrivé à la cuve où étoit Francion, il voulut voir ce qui étoit dedans. Ayant connu que c’étoit un homme, il le tira par le bras et lui mit la tête hors de l’eau ; puis, étant poussé d’un désir de rencontrer de la proie, lequel il ne quittoit jamais, il fouilla dedans ses pochettes, où il trouva une bourse à demi pleine de quarts d’écus et d’autre monnoie,