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Page:Sorel - La Vraie histoire comique de Francion.djvu/439

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mais lu d’autres livres que les Délices de la Poésie françoise, et sont si ignorans que rien plus. Outre cela, il y a cinq ou six coquins qui gagnent leur vie à faire des romans ; et il n’y a pas jusques à un mien cuistre, qui a servi les jésuites depuis moi, qui s’amuse aussi à barbouiller le papier. Son coup d’essai a été le recueil des farces Tabariniques[1], qui a si longtemps retenti aux oreilles du cheval de bronze ; livre de si bonne chance, qu’on en a vendu vingt mille exemplaires, au lieu que d’un bon livre à peine en peut-on vendre six cents ; mais c’est qu’il y a plus de gens qui achètent du hareng que du saumon frais, et du bureau[2] que du satin. Les sots sont en plus grand nombre que les sages. Ce cuistre s’appelle Guillaume en son surnom, et au premier roman qu’il a fait il s’est contenté d’y faire mettre : Composé par le sieur Guillaume ; mais un an après, en faisant encore un autre qu’il dédioit à la reine d’Angleterre, il a voulu paroître parmi la noblesse, et a fait mettre : Par le sieur de Guillaume, afin que ce de fît accroire qu’il est gentilhomme. Mais le gros maraud ne voit-il pas bien que cela n’a point de grâce de mettre un de devant le nom d’un saint comme devant le nom d’une seigneurie ; et puis ne craint-il point que les saints ne s’en offensent et ne l’en punissent, vu qu’ils n’ont jamais aimé la vanité des hommes du monde ? Outre cela, mon valet fit encore une belle chose : il loua un habit de satin à la friperie, pour aller présenter son livre, afin que l’on le prît pour un honnête homme ; et, si l’on ne lui fit point de récompense, c’est que les jours suivans, n’ayant plus que ses méchans habits, il n’osa retourner au Louvre pour la poursuivre. Mais il n’en devoit point faire de difficulté ni en être honteux ; car, le

    Saint-Amand, Du Vivier et Bois-Robert ; et, pour celui du Grand bal de la duchesse douairiere de Billebahaud, avec Bordier, l’Étoile et Imbert.

  1. Recueil général des Rencontres, Demandes et Responses tabariniques, œuvre autant fertil en gaillardises que remply de subtilitez, composé en forme de dialogue entre Tabarin et le Maistre. Paris, Ant. de Sommaville, 1622. — Hortensius parle en vrai pédant de ce livre curieux, si recherché des bibliophiles, et qui nous a valu la spirituelle brochure du savant M. Leber : Plaisantes recherches d’un homme grave sur un farceur.
  2. Étoffe de laine plus grossière que la bure.