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Page:Sorel - La Vraie histoire comique de Francion.djvu/509

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nouvelles certaines de ce qu’il avoit ouï dire par la ville de la prise d’un gentilhomme françois, ne pouvant s’imaginer que ce fût Francion, encore qu’il l’eût ouï nommer. Il avoit témoigné, le matin, qu’il étoit fâché contre lui à cause de l’inconstance de ses amours et de la tromperie qu’il croyoit qu’il eût faite à sa cousine Nays ; mais pourtant il eut pitié de son infortune lorsque l’on lui en eut fait le récit, et il s’offrit de s’employer avec les autres pour le faire sortir de cette mauvaise affaire. Or, parce qu’il étoit heure de souper, il y en eut quelques-uns qui s’en retournèrent chez eux, et il n’y eut qu’Audebert et Hortensius qui demeurèrent avec Raymond. Pour Dorini, il s’en alla incontinent trouver Nays, et, lui ayant raconté ce qui étoit arrivé si Francion, elle n’en eut point de regret ; au contraire, elle dit qu’elle en recevoit de la satisfaction, et que c’étoit une punition manifeste qu’il recevoit de la part du ciel ; parce que, s’il n’avoit falsilié les monnoies, au moins il avoit falsifié ses affections et corrompu l’amour, qui est le plus doux lien de la société des hommes. Son cousin ne lui voulut rien dire davantage de ce jour-là, parce qu’il voyoit que sa colère continuoit. Il avoit déjà parlé à elle dès la première fois ; il lui avoit dit tout ce qu’il avoit appris de la bouche même de Francion, mais tout cela lui avoit été inutile.

Cependant, comme Raymond soupoit avec Audebert et Hortensius, les sbires vinrent à leur logis, en ayant eu charge de celui qui leur commandoit, pour prendre les hardes et les coffres de Francion, et voir s’il n’y avoit point encore de fausse monnoie, ou des outils pour en faire, afin que cela servit de preuve. Ils avoient aussi dessein d’arrêter ses valets, afin de les interroger, pour sçavoir s’ils ne lui aidoient point à cela ; et, comme leur troupe faisoit déjà du bruit dans la rue, parce qu’ils avoient encore d’autre monde avec eux, Raymond y prit garde et se douta de l’affaire. Ils étoient venus grand nombre pour une si grande entreprise, car ils avoient accoutumé d’en redouter quelquefois de moindre ; mais cette multitude ne servoit de rien qu’à leur nuire et rendre leur dessein plus connu et moins facile à exécuter. Raymond jura qu’il les empêcheroit d’entrer autant comme il pourroit, et il s’en alla incontinent barricader une porte d’entre-deux, parce qu’ils avoient déjà gagné la première.