Page:Sorel - Réflexions sur la violence.djvu/157

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naire, raisonne maintenant tout juste comme le jovial vicomte[1] ; il vante, par exemple, « la politique de vigueur et de sagesse » qui consistait à forcer la Convention à expulser les Girondins « avec une sorte de régularité apparente »[2].

Les massacres de septembre 1792 ne sont pas sans le gêner un peu : la régularité n’est pas ici apparente ; mais il a de grands mots et de mauvaises raisons pour toutes les vilaines causes ; la conduite de Danton ne fut pas très digne d’admiration au moment de ces tristes journées ; mais Jaurès doit l’excuser, puisque Danton triomphait durant cette période. « Il ne crut pas de son devoir de ministre révolutionnaire et patriote d’entrer en lutte avec ces forces populaces égarées. Comment épurer le métal des cloches quand elles sonnent le tocsin de la liberté en péril[3] ? » Il me semble que Cavaignac aurait pu expliquer de la même manière sa conduite dans l’affaire Dreyfus : aux gens qui lui reprochaient de marcher avec les antisémites, il aurait pu répondre que son devoir de ministre patriote ne le forçait pas à entrer en lutte avec la populace égarée et que les jours où le salut de la défense nationale est en jeu on ne peut épurer le

    l’armée à recommencer l’œuvre de 1851 (Histoire de l’affaire Dreyfus, tome III, p, 545).

  1. De Voguë a l’habitude, dans ses polémiques, de remercier ses adversaires de l’avoir beaucoup amusé : c’est pourquoi je me permets de l’appeler jovial, bien que ses écrits soient plutôt endormants.
  2. J. Jaurès, op. cit., p. 1434.
  3. J. Jaurès, op. cit., p. 77.