Page:Sorel - Réflexions sur la violence.djvu/178

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ont cours entre politiciens, sociologues ou gens ayant des prétentions à la science pratique. On peut concéder aux adversaires tout ce qu’ils s’efforcent de démontrer, sans réduire, en aucune façon, la valeur de la thèse qu’ils croient pouvoir réfuter ; il importe peu que la grève générale soit une réalité partielle, ou seulement un produit de l’imagination populaire. Toute la question est de savoir si la grève générale contient bien tout ce qu’attend la doctrine socialiste du prolétariat révolutionnaire.

Pour résoudre une pareille question, nous ne sommes plus réduits à raisonner savamment sur l’avenir ; nous n’avons pas à nous livrer à de hautes considérations sur la philosophie, sur l’histoire et sur l’économie ; nous ne sommes pas sur le domaine des idéologies, mais nous pouvons rester sur le terrain des faits que l’on peut observer. Nous avons à interroger les hommes qui prennent une part très active au mouvement réellement révolutionnaire au sein du prolétariat, qui n’aspirent point à monter dans la bourgeoisie et dont l’esprit n’est pas dominé par des préjugés corporatifs. Ces hommes peuvent se tromper sur une infinité de questions de politique, d’économie ou de morale ; mais leur témoignage est décisif, souverain et irréformable quand il s’agit de savoir quelles sont les représentations qui agissent sur eux et sur leurs camarades de la manière la plus efficace, qui possèdent, au plus haut degré, la faculté de s’identifier avec leur conception socialiste, et grâce auxquelles la raison, les espérances et la perception des faits particuliers semblent ne plus faire qu’une indivisible unité[1].

  1. C’est encore une application des thèses bergsoniennes.